Le président de la République peut, à tout moment, «prendre toute autre mesure». Le projet d'ordonnance portant mise en oeuvre de la Charte pour la paix et la réconciliation nationale a pris, au bout du compte, une forme d'amnistie. Elle s'articule autour du sixième chapitre relatif aux «artisans de la sauvegarde de la Radp». Les dispositions énoncent: «1- Les concernés ont fait acte de patriotisme. 2- Aucune poursuite ne peut être engagée, à titre individuel ou collectif, à l'encontre des forces de défense et de sécurité de la République, toutes composantes confondues, pour des actions menées en vue de la protection des personnes et des biens, de la sauvegarde de la nation et de la préservation des institutions. Toute dénonciation ou plainte à l'encontre des concernés est irrecevable. 3- Et qu'enfin est pénalisée et sanctionnée toute déclaration écrite ou autre acte, utilisant ou instrumentalisant les blessures de la tragédie nationale pour porter atteinte aux institutions, fragiliser l'Etat, nuire à l'honorabilité de ses agents qui l'ont dignement servi, ou pour ternir l'image de l'Algérie sur le plan international». Cette disposition est annonciatrice d'actions à l'encontre des journalistes, des opposants, de la société civile ou autres ONG qui chercheraient à remuer le couteau dans la plaie, une fois l'ordonnance promulguée. Les avertissements ne peuvent être plus clairs. En même temps, d'autres mesures interdisent «l'activité politique, sous quelque forme que ce soit: pour toute personne responsable de l'instrumentalisation de la religion ayant conduit à la tragédie nationale; et pour toute personne qui, ayant participé à des actions terroristes, refuse toujours de reconnaître sa responsabilité dans la conception et la mise en oeuvre d'une politique prônant la violence contre la nation et les institutions de l'Etat». Puis, dans un élan de générosité, on refuse de condamner l'autre partie au bannissement. Le chapitre cinq stipule: «Les membres des familles éprouvées par l'implication d'un de leurs proches dans les faits liés à la tragédie nationale ne sauraient être tenus pour responsables de ces faits ou pénalisés pour eux. -Toute discrimination à leur endroit est interdite, une disposition pénale est même établie pour, le cas échéant, sanctionner pareille situation. -Enfin, celles de ces familles qui seraient démunies recevront une aide de l'Etat, au titre de la solidarité nationale, sur la base d'une attestation délivrée par les autorités administratives compétentes». Et l'on se penche sur le dossier des familles des disparus au quatrième chapitre: «La reconnaissance de la qualité de victime de la tragédie nationale ouvre droit à un jugement de décès pour les personnes n'ayant plus donné signe de vie et dont le corps n'a pas été retrouvé après investigation par tous les moyens légaux; et que la possession d'un jugement de décès ouvre droit pour les ayants droit à une indemnisation de l'Etat». Les autres chapitres reprennent des dispositions de la loi de Concorde civile, en sus des clauses relatives aux travailleurs licenciés pour leur appartenance politique, aux prisonniers et aux exilés. Le troisième chapitre prévoit des mesures de réintégration ou d'indemnisation «au profit des personnes ayant fait l'objet de mesures administratives de licenciement pour les faits liés à la tragédie nationale». Enfin, le second énonce l'extinction des poursuites judiciaires pour les personnes qui se sont présentées aux autorités «entre le 13 janvier 2000 et la promulgation de cette loi; celles qui, non impliquées dans les faits de massacres collectifs, viols ou usage d'explosifs dans les lieux publics, se présenteront aux autorités et leur remettront leurs armes dans un délai de six mois; celles qui, recherchées à l'intérieur ou à l'extérieur du territoire national, et non impliquées dans les trois faits précités, se présenteront aux autorités dans le même délai». Elles concernent aussi les personnes condamnées par défaut ou par contumace non impliquées dans les massacres collectifs ou viols, celles impliquées dans les réseaux de soutien, celles détenues et non condamnées définitivement. Une grâce sera accordée aux détenus condamnés définitivement et une réduction de peine pour les personnes qui ne peuvent bénéficier des mesures d'extinction de l'action publique conformément à la Charte. Le conseil de gouvernement a examiné et endossé trois décrets relatifs à la déclaration que doivent remplir les personnes qui se présentent aux autorités dans le cadre de l'ordonnance, aux indemnisations des victimes de la tragédie nationale et à l'aide octroyée par l'Etat «aux familles démunies éprouvées par l'implication d'un de leurs proches dans le terrorisme». Le septième et dernier chapitre indique que le président de la République « peut, à tout moment, prendre toute autre mesure requise pour la mise en oeuvre de la Charte pour la paix et la réconciliation nationale». On sera fixé mardi prochain, quand le projet sera examiné en conseil des ministres.