Un chef traditionnel de Liptako, une enclave dite des trois frontières et située entre le Burkina Faso, le Mali et le Niger, a lancé, hier, un appel à une trêve humanitaire, afin de conforter la lutte contre la propagation du nouveau coronavirus. Ousmane Amirou Dicko exprime la crainte que le Covid-19 ne prenne des proportions dangereuses dans toute la région sahélienne en proie aux violences terroristes et aux rivalités inter-ethniques. «J'exhorte toutes les bonnes volontés à répondre à ‘'l'Appel du Liptak'' pour que cessent les hostilités dans la zone des trois frontières et qu'un front uni soit opposé au fléau qui nous assaille de toute part», a-t-il affirmé dans «l'Appel du Liptako» transmis aux médias». Nous devons honorer cette réputation pour vaincre le virus et faire taire les armes. Plus que jamais le Liptako-Gourma a besoin de paix et de concorde sociale», a-t-il dit, en soutenant «l'appel du secrétaire général des Nations unies à une trêve humanitaire». «Alors que la pandémie progresse, toutes les énergies disponibles doivent s'unir pour combattre ce fléau», a-t-il exhorté. Ce cri met en lumière une région qu'on a quelque peu oubliée, en ces temps de pandémie dont les ravages affectent tout particulièrement les Etats-Unis et l'Europe méditerranéenne. Le Burkina, le Mali et le Niger sont, pour leur part, relativement peu affectés par l'épidémie, avec 557 cas et 35 décès, pour le premier, 171 cas et 13 décès pour le second et 627 cas et 32 décès pour le troisième. Mais la véritable menace que constitue le terrorisme persiste dans l'ensemble du Sahel et a déjà fait plus de 4000 morts dans les trois pays précités, en 2019. Lesquels comptabilisent, en outre, plus d'un million de personnes déplacées par les violences terroristes et vivant dans des conditions d'extrême précarité. Le manque d'infrastructures sanitaires rend la situation très préoccupante alors que le risque de malnutrition est constamment pointé par les ONG humanitaires. L'ONU alerte fréquemment sur la gravité d'une explosion épidémique dans cette zone où le terrorisme se propage sans grande difficulté, malgré la présence de 14000 soldats de maintien de la paix des Nations unies, dans le cadre de la Mission multidimensionnelle intégrée pour la stabilisation au Mali (MINUSMA), ainsi que celle de 5100 soldats français, dans le cadre de l'opération Barkhane. Quant à la troisième force nouvellement créée, Takuba, qui doit voir 500 forces spéciales de 13 pays européens mobilisées contre la menace terroriste, dans la région du Liptako, la récente déclaration du président tchadien Idriss Déby Itno, menaçant de s'en retirer, fait que sa mise en cause est de nature à enthousiasmer les chefs des factions extrémistes. A leur tête, on trouve les Jama'at Nasr al-Islam wal Muslimin (JNIM), affilié à Al-Qaïda, et l'Etat islamique au Grand Sahara (EIGS), agissant au nom de Daesh dont le poids s'est considérablement accru au cours de l'année écoulée. En témoigne l'augmentation exponentielle des attaques et autres attentats visant aussi bien les camps militaires que les villages où se trouvent des populations civiles réfractaires depuis le début de l'année précédente. Une pression terroriste qui a mis à rude épreuve les capacités de riposte des gouvernements concernés, tandis que les milices d'autodéfense et les factions prédisposées aux activités criminelles se sont multipliées à la faveur de ce climat d'insécurité ambiante. La venue du Covid-19 est de ce fait mise à profit par toutes ces bandes armées, les groupes terroristes y voyant l'occasion d'un prosélytisme accru pour renforcer leurs moyens et accroître leurs rangs. Une donne qui présage des lendemains encore plus difficiles.