Les ministres des Affaires étrangères se rencontrent aujourd'hui au Caire pour peaufiner le sommet de Khartoum. Au 22 mars prochain, la Ligue des Etats arabes aura 61 ans. Elle entame l'âge de vieillesse sans avoir, au préalable, réglé les problèmes de croissance par lesquels transitent ce genre d'institutions qui aspirent à jouer un rôle de dimension internationale; sans parvenir au bout du parcours à exercer une quelconque influence sur les événements. L'idée de sa création remonte au début du siècle dernier. La Grande-Bretagne cherchait alors le meilleur moyen pour briser l'empire ottoman. Cette quête est devenue possible grâce au concours d'un homme exceptionnel. Il était à l'image du James Bond ou 007 de notre époque. Il s'appelait Thomas Edward Lawrence, connu sous le sobriquet «Lawrence d'Arabie». Sous la double casquette de maître espion et de mercenaire, il s'empara en 1917 de Aqaba, ville portuaire stratégique sur la mer Rouge et fit perdre ainsi à l'empire ottoman une place forte puis s'empara de Damas... La même année, le ministre des Affaires étrangères britannique, le comte Arthur James de Balfour, rédige une lettre ouverte - connue sous le nom de «Déclaration de Balfour» - au baron de Rothschild. Il est stipulé que le gouvernement de Sa Majesté est disposé à créer en Palestine un «foyer national juif». Le baron de Rothschild, vice-président du comité des députés juifs, prône un retour des Juifs en Palestine qui appartient au sultan d'Istanbul. L'Etat juif ne verra le jour qu'en 1948. Entre-temps, l'apparition des microcosmes d'Etats arabes dans la région, la Seconde Guerre mondiale qui a donné des sueurs à la couronne d'Angleterre, l'émergence des Etats-Unis d'Amérique comme force incontournable sur l'échiquier international, et enfin la décolonisation en gestation ont conduit la Grande-Bretagne à prendre les devants en tentant d'intégrer la donne arabe dans ses calculs. En 1931, la Société des nations, l'ancêtre de l'ONU, lui confère la tutelle sur les nouveaux Etats arabes. Puis en 1941, Anthony Eden, ministre britannique des Affaires étrangères, propose à Churchill une union des pays arabes du Moyen-Orient. Mais ce dernier est réticent. Le 22 mars 1945, l'Egypte convoque les Etats de la région à Alexandrie et décide la création de la Ligue arabe. Elle regroupe 7 pays: Egypte, Arabie Saoudite, Irak, Liban, Syrie, Yémen et Jordanie. Les autres la rejoindront au fur et à mesure de leur indépendance. Cette organisation devient dès lors une affaire égyptienne. Elle sera cimentée autour de la cause palestinienne. La guerre de 1948 a été un échec cuisant pour la nouvelle institution qui voulait remplacer la «Porte sublime», en cherchant à doubler ses véritables créateurs. Azzam Pacha, son premier secrétaire général, avait fait une annonce prémonitoire sur son destin en l'entraînant dans le conflit contre le gré des Britanniques. Dans la guerre du canal de Suez de 1956, la Ligue arabe n'a été d'aucun secours à l'Egypte. Mais c'est dans son cadre que l'OLP voit le jour en 1964. Les Arabes perdront les guerres de 1967 et 1973. La signature des accords de Camp David entre l'Egypte et Israël a provoqué une crise majeure en son sein. Son siège sera transféré à Tunis jusqu'à 1990. La Ligue arabe n'a rien pu faire devant l'invasion du Liban par Israël en 1982, la première guerre du Golfe en 1991 puis la seconde avec l'invasion de l'Irak. Les peuples arabes, autant que leurs dirigeants, usent souvent de la caricature pour évoquer le rôle de la Ligue arabe. Depuis le sommet d'Alger, il y a comme un vent de réformes qui souffle sur la maison arabe. On introduit des changements rudimentaires comme le droit au vote dans la prise des décisions, la création d'un Parlement arabe, la présidence tournante, etc. Mais on est loin, très loin, de la force commune ou d'une union économique. Le sommet de Khartoum aura lieu le 26 mars. Les Américains ne veulent pas cautionner le régime de Omar Bachir en lui permettant de se blanchir par le biais de cette rencontre. Le litige autour du Darfour fait grincer des dents de part et d'autre. La position de la Ligue arabe est timide. La victoire du Hamas aux législatives en Palestine n'est pas encourageante. Mais la Ligue arabe a osé lancer des appels pressants aux gouvernements arabes pour les amener à faire sortir leurs chéquiers quand Israël convainc l'Europe et l'Amérique d'exercer l'embargo économique sur l'Autorité palestinienne. La Ligue a gagné un point puisque l'UE a lâché du lest ces derniers jours. Les ministres des Affaires étrangères arabes se rencontrent aujourd'hui au Caire pour élaborer l'ordre du jour du sommet de Khartoum, autour de la question centrale: la Palestine. Mais quelle serait, par exemple, l'avis de la Ligue arabe sur la Syrie? La question nous renvoie au début du siècle dernier quand Lawrence cherchait dans les sables des gens pour former le Grand Moyen-orient.