Toute couverture idéologique a été ôtée aux actions armées des groupes intégristes. La libération des premiers détenus emprisonnés pour terrorisme marque un tournant important dans l'histoire de la nation. Ainsi, l'ordonnance sur la paix et la réconciliation nationale qui était jusqu'à hier un texte, commence à se matérialiser sur le terrain, donnant par là même un signal fort aux terroristes encore actifs. Par-delà ladite ordonnance, forte de sept chapitres, englobant l'ensemble des aspects liés au retour à la paix civile, il demeure que la mesure la plus «spectaculaire» est bel et bien l'élargissement de pas moins de 2000 activistes islamistes. Mais, il faut également convenir qu'une telle mesure est, de loin, la plus significative en termes de volonté de l'Etat d'en finir, une bonne fois pour toutes, avec le pendant idéologique du terrorisme intégriste. Par ce geste, le pouvoir politique algérien, fort du plébiscite de la Charte pour la paix et la réconciliation nationale, entend ôter toute couverture politique aux actions armées des groupes intégristes. Et pour cause, ce même peuple qui accorde son pardon aux «égarés» leur signifie clairement l'interdiction de toute référence religieuse dans le discours politique. Il va même plus loin. Tous les «élargis», quel que soit leur degré de responsabilité dans la tragédie nationale, n'auront plus le droit d'activer sur la scène politique nationale. Il s'agira, bien entendu, pour les services de l'Etat compétents, de matérialiser la volonté populaire. Ca ne sera sans doute pas une mince affaire, mais, estiment de nombreux observateurs, c'est là le prix à payer pour garantir une paix solide et éviter de faire des ex-terroristes des martyrs pour les nouvelles générations d'Algériens. En fait, le pardon, même s'il s'est exprimé de façon quelque peu «choquante» pour certains, a néanmoins ses limites. Ainsi, les terroristes relâchés intégreront la société, non pas en tant que «combattants» qui ont défendu des idées, mais comme de simples individus qui ont dévié et qui regagnent leurs foyers aux conditions de la société. Aussi, ce qu'il faut voir à travers la libération des détenus de Serkadji et d'ailleurs, c'est la détermination de l'ensemble des Algériens à «passer l'éponge», à la seule condition que les fauteurs de troubles d'hier ne fassent pas de leur déviance un acte d'héroïsme. Cela pour le principe. Sur le terrain, il va falloir attendre quelque temps pour constater le bien-fondé du vote massif des Algériens, le 29 septembre dernier. En effet, il revient d'abord à la société de marquer les lignes rouges aux terroristes libérés. Que ces derniers sachent les limites qui leur ont été désignées par la collectivité nationale. Que les services de sécurité fassent convenablement leur travail de contrôle de l'ordonnance présidentielle. Ce sont là, autant de balises qui doivent être mises sur la route des «élargis», aux fins d'éviter d'autres déviances, aux conséquences désastreuses sur l'avenir de la nation. L'autre repère extrêmement important est l'impact que peut avoir la décision «spectaculaire» sur les groupes armés. Là aussi, l'on attendra les jours à venir pour savoir si les terroristes encore présents dans les maquis accèdent au désir de la société de tourner la page à ces conditions. La précision est de taille, puisque l'on se retrouve dans le cas de figure présent, devant une situation claire : le vainqueur, à savoir le peuple, consent à pardonner, mais conditionne son pardon par l'abandon par les intégristes de toute velléité d'instrumentalisation de la religion sous quelque forme que ce soit.