Le mouvement islamiste palestinien s´est démarqué hier de l´appel d´Al-Zawahiri et reste ferme sur le principe de la reconnaissance des droits des Palestiniens par Israël. La visite d'une délégation du Hamas à Moscou -quoique rien de concret n'ait été conclu- a constitué à l'évidence un gros succès diplomatique pour le mouvement islamiste palestinien, qui s'initie ainsi à la diplomatie. De fait, Hamas, qui est resté ferme sur le principe, sine qua non, de la reconnaissance par Israël du droit des Palestiniens à un Etat indépendant, a néanmoins observé un profil bas, s'accoutumant à un langage plus diplomatique que guerrier comme en témoignent les différentes déclarations des responsables du Hamas présents à Moscou. Ainsi, l'un de ces responsables, Mohammed Nazzal, a réitéré que « Si les Israéliens sont prêts à reconnaître les droits des Palestiniens et un Etat palestinien complètement indépendant, dans ce cas, nous serons prêts à annoncer notre position concernant Israël et toutes les autres questions». Le Hamas ne semble plus fermé à une réévaluation de sa position vis-à-vis d'Israël. Comme l'indiquait le président de l'Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, l'adaptation du Hamas à sa nouvelle situation est une question de temps. Le pragmatisme s'apprend et le Hamas qui s'initie au pragmatisme est fortement tenté par la diplomatie. De fait, la « communauté internationale » qui a accordé tout le temps à Israël pour appliquer les résolutions de l'ONU (242 et 338, notamment, en attente d'application) demandant le retrait des armées israéliennes des territoires palestiniens, ne peut faire moins pour les Palestiniens qui luttent depuis 60 ans pour faire reconnaître leur droit à un Etat souverain et pour le retrait d'Israël de leurs territoires. Aussi, le Hamas se trouve dans son rôle lorsqu'il conditionne son éventuelle reconnaissance d'Israël par la reconnaissance des droits des Palestiniens par ce même Israël. A Moscou, la délégation du Hamas -conduite par son chef du Bureau politique, Khaled Mechaal- a tâté le terrain et constaté le chemin que leur mouvement a encore à faire pour être accepté par la communauté internationale, d'autant plus que la légitimité obtenue grâce à la confiance du peuple palestinien qui lui confia la gestion de l'Autorité autonome ne semble pas suffisante pour un Occident qui a les yeux de Chimène pour l'Etat hébreu. Commentateurs et analystes politiques ont focalisé toute la semaine sur la reconnaissance d'Israël par le Hamas, sans évoquer, ne serait-ce qu'incidemment, la même contrepartie d'Israël, qui ne reconnaît aucun droit aux Palestiniens. Ainsi, selon les déclarations du Premier ministre israélien par intérim, Ehud Olmert, Israël se réserve le droit d'amputer -en cas d'accord avec les Palestiniens- les territoires palestiniens de plus du tiers de leur superficie, par la consolidation des colonies de peuplement de Cisjordanie, l'achèvement du mur de séparation et le maintien sous l'autorité d'Israël de la vallée du Jourdain. On n'a pas entendu beaucoup de protestations après ces déclarations contre-productives du chef par intérim du gouvernement israélien. Ainsi, au moment où les Palestiniens subissent de fortes pressions -pour faire encore des concessions- Israël poursuit sa politique de morcellement et de domination des territoires palestiniens, politique qui est loin d'être un gage de paix. Comment les Palestiniens peuvent-ils vivre en paix quand on leur dénie le droit d'avoir leur Etat à l'instar de tous les peuples du monde? De fait, Hamas, mis en demeure par l'Occident de reconnaître Israël est également pressé par Al Qaîda qui lui demande le contraire en l'exhortant à poursuivre la lutte contre Israël. En effet, Ayman Al-Zawahiri, le numéro 2 d'Al-Qaîda, dans un communiqué diffusé samedi par Al Jazeera, fait injonction au Hamas, de ne pas reconnaître Israël, indiquant «Il ne faut pas reconnaître les accords de capitulation signés par les laïques de l'Autorité palestinienne. Votre seule alternative est de poursuivre la lutte armée jusqu'à la libération de la Palestine et l'édification d'un Etat islamique». Al-Zawahiri est allé jusqu'à demander aux responsables du Hamas de renoncer à leur victoire électorale et de ne pas siéger au Conseil législatif palestinien (CLP, Parlement), «avec des laïques qui ont bradé la Palestine» et d'affirmer. «Entrer dans le même Parlement que les laïques, reconnaître leur légitimité et les accords qu'ils ont signés est contraire à l'islam». Dans une déclaration à la presse, Mohammed Nazzal, membre de la délégation du Hamas qui a été l'hôte de Moscou durant trois jours, a dit que le communiqué n'exprime que «l'opinion» de son auteur (Al-Zawahiri). Le Hamas rejette ainsi implicitement l'ingérence d'Al-Zawahiri, gardant ses distances par rapport à la nébuleuse islamique d'Oussama Ben Laden.. M.Nazzal a indiqué «C'est son opinion...nous sommes neutres » sans autres indications, manière de dire que les propos de représentants d'Al Qaîda n'engagent pas le Hamas.