La ligue de Hocine Zehouane a saisi hier le Sénat et l'APN sur le déni de mémoire collective. «La politique d'impunité par l'arrêt total des poursuites, y compris celles qu'on ne peut classer parmi les crimes contre l'humanité est incompatible avec la Constitution et les accords internationaux paraphés par l'Algérie», indique le texte de la lettre adressée hier par la Ligue de défense des droits de l'Homme aux deux chambres du Parlement. La ligue que préside l'avocat Hocine Zahouane considère que «les droits et les libertés» garantis par la Constitution algérienne ne peuvent faire l'objet de surenchère, de transgression ou d'ajournement. Car l'ordonnance portant application de la Charte pour la paix et la réconciliation constitue «une interdiction à l'exercice des droits politiques pour une partie de la population» et une transgression du chapitre 4 de la Constitution. Le texte de la lettre relève en outre que l'article 46 de l'ordonnance portant application de la Charte est une atteinte «dangereuse» aux droits et libertés, essentiellement les clauses en rapport avec «la liberté d'expression» qui constitue, selon la Laddh, «une tentative d'effacer la mémoire collective de la Umma». La Laddh estime enfin que l'ordonnance évoquée ne permet pas au citoyen de recourir à la justice. Pour toutes ces raisons, elle a décidé de saisir les deux chambres du Parlement pour les amener à prendre leurs «responsabilités juridiques, politiques et morales» envers les citoyens qu'ils sont censés représenter par le rejet des articles de l'ordonnance, plus précisément les dispositions du texte qui sont en contradiction avec l'esprit et la lettre de la Constitution. Au cas où leurs prérogatives ne le leur permettent pas, la ligue leur suggère la saisine du Conseil constitutionnel sur l'anticonstitutionnalité de ce texte. Lors d'une conférence de presse, animée mardi par Hocine Zehouane et Ali Yahia Abdenour, la Laddh a estimé que «sans la vérité et la justice, on ne pourra jamais rétablir la paix d'une manière définitive». Les deux hommes -l'ancien et le nouveau présidents de la ligue- ont annoncé leur intention de saisir le comité des droits de l'Homme de l'ONU. Mais il est admis que ce recours ne serait envisageable qu'après obtention d'une réponse du Parlement. Rappelons que les deux chambres du Parlement, en session depuis quelques jours, vont bientôt avaliser le texte d'ordonnance portant sur les mesures d'application de la Charte pour la paix et la réconciliation. En saisissant les deux chambres, la Laddh doit savoir qu'elles ne peuvent émettre un avis sur le texte qui est entré en vigueur depuis une semaine. Mais l'un des présidents des deux chambres peut, en effet, saisir le Conseil constitutionnel sur la non-conformité éventuelle du texte avec la Constitution. C'est ce qui semble motiver la Laddh qui se sent investie d'une responsabilité morale envers les citoyens. Rappelons enfin que les partis politiques n'ont pas, dans leur ensemble, dénoncé le contenu du texte d'ordonnance comme l'ont fait les ONG et la société civile. Mais il s'agit là d'un autre débat.