Siège de la Ligue algérienne de défense des droits de l'homme (LADDH) à Alger. Conférence de presse. Espace réduit. On se serre. Face aux journaliste, Hocine Zehouane, président de la LADDH, fait la moue, hésite et répond : « Ce n'est pas clair, mais ce n'est pas exclu », à la question de savoir si Lembarek Boumaârafi, le sous-lieutenant du GIS, assassin du président Mohamed Boudiaf le 29 juin 1992 à Annaba, pouvait bénéficier des mesures d'application de la charte. Par contre, le sous-lieutenant Habib Souaïdia, réfugié en France et auteur de La sale guerre, et qui a été condamné à mort par le tribunal de Bouira en janvier 2005 pour « enlèvement et meurtre », ne devrait pas être compris dans le lot des élargis puisque, estime l'avocat Zahouane, il s'agirait d'une affaire « interne à l'armée ». Ali Yahia Abdenour révèle que le président Zeroual avait demandé à son ministre de la Justice de l'époque de rouvrir le dossier Boumaârafi, « mais cela a été empêché », dit-il. « Le journaliste de l'ENTV qui a fait visionner la cassette de l'assassinat à Ghozali et Belkaïed (chef du gouvernement et ministre de l'Intérieur à l'époque), le soir même du 29 juin 1992, est venu me voir pour que je l'aide à fuir en France. On avait tenté de l'assassiner : il a trouvé deux balles logées dans son oreiller en rentrant tard chez lui. Le travail d'un sniper », raconte Ali Yahia. En juillet 2005, Fatiha Boudiaf, l'épouse du défunt, a affirmé à Al Jazeera que « l'auteur physique de son assassinat n'est pas Boumaârafi » et que celui qui a tiré sur le Président était « plus grand de taille », précisant qu'elle possédait la cassette vidéo de l'assassinat. La justice n'a pas réagi. Hier, au siège de la LADDH, le jugement était sans appel concernant la charte. « Je la rejette globalement et dans le détail », dit Ali Yahia qui se veut optimiste. Il rappelle l'exemple argentin où la cour suprême a abrogé en mai 2005 les lois d'amnistie dite du « point final » et du « devoir d'obéissance » concoctées par les résidus de la dictature du général Videla dans les années 1980. « Ces textes d'application ne tiendront pas la route. Un autre pouvoir viendra et elles seront caduques », assure l'avocat qui propose la tenue d'une conférence nationale regroupant les différentes composantes politiques avec le lancement d'une commission politique et une autre juridique. « On libère des gens qui ont commis des crimes et on emprisonne les opposants à l'impunité, à l'imputabilité même », souligne maître Zehouane commentant l'article 46 de l'ordonnance présidentielle portant application de la charte, sanctionnant lourdement toute déclaration autour de la « tragédie nationale ». Les deux avocats rappellent que ces décrets ont été émis dans un contexte national mais aussi international. La Laddh saisira le Comité des droits de l'homme des Nations unies par le dépôt d'un mémoire en contredit sur la base de l'article 2 du protocole facultatif se reportant au Pacte sur les droits civils et politiques. « Une manière de prouver l'illégalité et l'illégitimité de ces textes d'application et pour contraindre leurs auteurs à se dévoiler devant les instances internationales », explique Hocine Zehouane. La ligue compte également adresser une demande exhortatoire aux présidents des deux chambres de l'APN pour différer « dans les plus brefs délais » les textes devant le Conseil constitutionnel. Dans une déclaration écrite distribuée, hier, à la presse, la Laddh rappelle que « les crimes contre l'humanité, et c'est bien le cas dans cette problématique algérienne, sont imprescriptibles, non amnistiables et non susceptibles d'extinction d'action publique ».