Des milliers de personnes ont manifesté samedi pour dénoncer le racisme et les violences policières à Paris et dans plusieurs villes françaises, tout comme en Suisse, en Australie et à Londres, où le rassemblement s'est déroulé dans une atmosphère tendue face à des militants d'extrême droite. Le meurtre aux Etats-Unis de George Floyd, un quadragénaire noir asphyxié le 25 mai à Minneapolis par un policier blanc, a poussé les foules à descendre dans la rue pour réclamer la fin des violences policières et des inégalités raciales. à Paris, la police a tiré des gaz lacrymogènes après avoir reçu quelques projectiles au cours d'un rassemblement de plusieurs milliers de personnes - 15.000 d'après la police - sur la place de la République. Les manifestants avaient prévu de marcher jusqu'à la place de l'Opéra, mais le défilé, non autorisé, a été stoppé par les forces de l'ordre. Au même moment, le Conseil d'Etat, la plus haute juridiction administrative française, annonçait la levée de l'interdiction de rassemblement de plus de dix personnes, imposée dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire lié à la pandémie de Covid-19, rétablissant la liberté de manifester dans le respect des «mesures barrières». Au cours du rassemblement, à l'appel du comité Adama Traoré, jeune noir mort en juillet 2016 après son interpellation par des gendarmes en région parisienne, sa soeur Assa Traoré a appelé à «dénoncer le déni de justice», «la violence sociale, raciale, policière». Dans la foule, de nombreux jeunes étaient vêtus d'un T-shirt noir floqué de la demande portée depuis quatre ans par la famille Traoré: «Justice». «Tant que nous n'aurons pas la justice, vous n'aurez pas la paix». Le 2 juin, le comité Adama avait mobilisé 20.000 personnes à Paris. Son discours s'est élargi, de la dénonciation de violences policières à celle d'un «racisme systémique», trouvant un écho après la mort de George Floyd. D'autres défilés ont eu lieu à travers la France, comme à Bordeaux, à Nantes ou à Lyon. Une petite contre-manifestation de policiers a par la suite rassemblé quelques dizaines de personnes devant l'Arc de Triomphe à Paris, avec voitures et gyrophares. Dans le centre de Londres, des milliers de manifestants antiracistes se sont rassemblés dans une atmosphère tendue, tandis que des militants d'extrême droite se groupaient près du Parlement autour de statues qu'ils entendaient protéger. Retweetant une vidéo de protestataires d'extrême droite prenant à partie la police, la ministre de l'Intérieur Priti Patel a dénoncé une «violence tout à fait inacceptable» et appelé les manifestants à rentrer chez eux pour arrêter la propagation du nouveau coronavirus. La police a annoncé qu'elle avait procédé à plus de 100 arrestations après des heurts entre contre-manifestants d'extrême droite et policiers. Six policiers ont été légèrement blessés. La police a dû effectuer une «importante» opération car il y avait «des poches de violence dirigée vers nos policiers», a déclaré le Metropolitan Police Service. Des images des télévisions montraient des manifestants frappant des policiers ou leur lançant des bouteilles, ainsi que des affrontements entre les deux camps des manifestants. Alors que les images des troubles étaient largement diffusés sur les réseaux sociaux, M. Johnson a tweeté: «Le racisme n'a pas de place au Royaume-Uni et nous devons travailler ensemble pour que cela devienne une réalité». Bien que le mouvement Black Lives Matter ait annulé la manifestation prévue dans le centre de la capitale, plusieurs centaines de personnes s'étaient rassemblées à Hyde Park avant de se diriger vers le parlement. La police britannique les avait priées de suivre un itinéraire précis et de se disperser à 16h00 GMT pour éviter les risques d'affrontements avec les militants d'extrême droite. L'association contre le racisme «Hope Not Hate» avait prévenu que plusieurs groupes de supporters de clubs de football, ainsi que des membres de mouvements d'extrême droite comme Britain First, comptaient se rassembler pour défendre des monuments comme la statue de l'ex-Premier ministre Winston Churchill, près du Parlement, dégradée en marge de manifestations contre le racisme le week-end dernier. L'inscription «Etait un raciste» a été taguée sous le nom du célèbre dirigeant conservateur, accusé d'avoir tenu des propos racistes, notamment contre les Indiens. La ministre de l'Intérieur a demandé que la statue de Churchill, mise à l'abri dans une boîte métallique, soit de nouveau visible. «Nous devons libérer Churchill, un héros de notre nation qui a combattu le fascisme et le racisme dans ce pays et en Europe», a-t-elle dit au Daily Mail samedi. En Suisse, des milliers de manifestants ont défié l'interdiction de rassemblement de plus de 300 personnes pour empêcher la propagation du Covid-19. Ils étaient plus de 10.000 dans le centre de Zurich, pour la plupart vêtus de noir, brandissant des banderoles proclamant «Black Lives Matter» (les vies des Noirs comptent) ou «Le racisme est une pandémie aussi». Plusieurs milliers de personnes ont également participé à une manifestation pacifique non autorisée à Berne, devant les bâtiments du gouvernement et du Parlement suisses dans la capitale. En Australie, des milliers de manifestants ont défilé contre le racisme samedi dans plusieurs villes, notamment à Perth, malgré la mise en garde des autorités sur une possible reprise de la pandémie de Covid-19 en raison des rassemblements.