Les magistrats de cette institution veulent alerter les consciences, en portant leur contestation hors de l'institution qui les abrite. Ils dénoncent la précarité des relations de travail, le non-droit et la non-application des textes ainsi que la démotivation. Après un sit-in de protestation dans l'enceinte même de la Cour des comptes, une assemblée générale a eu lieu et le débat fut ouvert à l'ensemble des magistrats. Ces derniers, qui se disent mobilisés, ont à l'unanimité pour des résolutions qui s'apparentent à une stratégie de pression dont la relance du dialogue, sur un échéancier très court, d'une à deux semaines, l'arbitrage du Président de la République, un sit-in au niveau de la présidence et enfin, le gel des missions comme ultime recours. Selon le secrétaire général du Syndicat national des magistrats de la Cour des comptes, (Snmcc), M.Benhalla Saad Eddine, l'ensemble de ces actions s'étalerait sur un mois maximum. Car après trois années d'attente, les magistrats ne tolèrent plus la lenteur administrative. En effet, «la situation professionnelle des magistrats de la Cour des comptes n'a pas cessé de se dégrader au point d'instaurer un climat de démotivation et de démobilisation conséquente de la violation, par le premier responsable de l'institution, des dispositions prévues par l'ordonnance 35.23 portant statut des magistrats de la Cour des comptes», note un communiqué qui ajoute que le président de la Cour des comptes persiste dans son refus d'engager la procédure de nomination pour un nombre important de magistrats en activité conformément aux dispositions légales régissant les carrières, d'installer le Conseil des magistrats, structure chargée de gérer la carrière et la discipline des magistrats en dépit de l'arrêt rendu par le Conseil d'Etat le 17 juillet 2001, confirmant la légalité de la procédure de vote et de répondre positivement à leur plate-forme de revendications du 23 mars 2001. Des voix disent que le président serait l'otage de quelques dysfonctionnements consécutifs à un mode de gestion anachronique qui a contribué, pour une grande part, à la marginalisation des attributions des chambres et du Conseil des magistrats. La Cour cumule des insuffisances qui affectent considérablement le rendement et l'efficacité de l'institution. Un état des lieux des dérives qui y sévissent fait ressortir des entraves à la mission de contrôle, l'absence de protection des magistrats, et d'une politique de formation et de perfectionnement, la gestion sélective des carrières, le déficit en moyens de fonctionnement et d'équipement pour les Chambres nationales et territoriales ou l'insuffisance des frais de mission. Ainsi, la loi et le statut existent. Mais c'est leur application qui semble faire cruellement défaut à la Cour des comptes. Les magistrats s'indignent également contre les relations de travail qui se dépersonnalisent derrière la froideur administrative. «Certains n'ont pas vu le président de la Cour des comptes depuis six ans», dit un intervenant. Et un autre d'ajouter: «La fonctionnarisation a, aujourd'hui, atteint son paroxysme.» Le «dédain» bureaucratique y aurait atteint un tel degré qu'au sein de cette institution constitutionnelle, les responsabilités des magistrats, ces soldats de la Cour des comptes, se voient dévalorisées, reléguées au second plan. «L'administratif primant la fonction de contrôle.» Les magistrats, qui ne veulent pas voir péricliter leur institution, en sont à se demander: «Pourquoi envoyer sur le terrain des magistrats qui n'ont pas prêté serment?» Face aux problèmes qui s'accumulent, ils jugent que la Cour des comptes est en état de rupture de droit. Même s'ils évoquent leurs préoccupations socioprofessionnelles, ces magistrats tiennent surtout à ce que l'on respecte leur plan de carrière que l'on ne doit en aucun cas saborder.