Nul expert, aussi savant qu'il fût, nulle institution au monde aussi avisée qu'elle pût l'être, n'auraient pu prédire une telle catastrophe sanitaire mondiale. Un bouleversement inattendu est venu remettre en cause toutes les règles du comportement, toutes les habitudes acquises, toutes les visions du futur. Aucune visibilité possible. Aucune des prédictions avancées par-ci par-là ne s'est avérée vraie. L'humanité dans son immensité est à la merci de l'infiniment petit. L'une des victimes majeures de cette pandémie est, inévitablement, le tourisme et les principaux secteurs qui gravitent autour, tels le transport aérien, maritime et l'artisanat. Les manques à gagner sont énormes. À l'échelle mondiale, ces pertes seraient, selon l'Organisation mondiale du tourisme, de l'ordre de 273 milliards d'euros en 5 mois seulement, soit près de 3% du PIB mondial, En Algérie, pour le secteur de l'hôtellerie et du tourisme, hôtels et agences de voyages, publics et privés, les pertes sont estimées par les spécialistes à environ 300 milliards de DA à fin 2020 à compter du mois de mars, soit 30 milliards de DA par mois. Un milliard de dinars par jour. Pour les secteurs du transport aérien, elle est évaluée à 16, 3 milliards de dinars pour les seuls mois de mars et avril 2020. On ne sera probablement pas loin des 80 milliards de DA de manque à gagner d'ici la fin de l'année si les activités ne reprennent pas. Quant au transport maritime des voyageurs, ce préjudice serait de 90 millions de dinars. Cet impact risque d'aggraver de façon durable la situation du tourisme qui, déjà, faut-il le rappeler, n'occupe qu'une place secondaire, voire résiduelle dans les plans de développement. Une part peu flatteuse dans le PIB le caractérise depuis de nombreuses années. Mais pas que ça. L'impact psychologique sera également incommensurable. La situation de blocage d'activités dans laquelle se retrouvent les entreprises, les appréhensions quant à de nouvelles vagues de la pandémie, influeront, sans conteste, et durablement sur les capacités des gestionnaires à envisager l'avenir et à consolider leurs certitudes. La saison estivale est largement compromise. La saison saharienne, probablement aussi, parce que c'est maintenant qu'elle se prépare, si tant est qu'une saison saharienne existerait encore, depuis sa désertion par une clientèle étrangère pour une multitude de raisons. Mais là est une autre histoire. Les entreprises hôtelières et touristiques à l'instar d'autres entreprises ont, sans préavis, cessé de générer de la richesse, leurs charges, quant à elles, maintenues, voire aggravées et aucun plan de relance ne semble se présenter. Seule l'aide des pouvoirs publics, souhaitée et salutaire, pourrait, un tant soit peu, y remédier. Faute de quoi, il ne sera plus question de préparation de saisons touristiques, mais plutôt une question de survie. Ainsi, c'est à trois niveaux que l'intervention de l'Etat est attendue. La compensation des manques à gagner en chiffres d'affaires, par le règlement de toutes les créances publiques non encore recouvrées, l'exonération du paiement des charges fiscales et parafiscales et autres charges de gestion, l'aide au paiement des rémunérations, la suspension temporaire des paiements de crédits bancaires. Et, pour l'accompagnement des entreprises hôtelières et des agences de voyages, dans la relance de leurs activités, il s'agira d'accorder des facilitations pour l'octroi de prêts bancaires d'exploitation, la restitution des montants réglés au titre de la taxe de promotion touristique au prorata des versements payés par les entreprises hôtelières et touristiques, et, pour les agences de voyages, le remboursement de la billetterie de transport aérien réglée aux compagnies nationales. Le règlement des créances dues au titre des opérations de confinement des concitoyens rapatriés de l'étranger, serait par ailleurs, une planche salutaire pour les établissements hôteliers qui en avaient la charge. La création d'un comité de pilotage opérationnel pour la relance des activités touristiques (CPO) à l'initiative du Groupe HTT et de la compagnie Air Algérie est à inscrire dans le registre de la résilience du secteur. Les hôteliers publics et privés, les opérateurs du voyage, les transporteurs touristiques, aériens, terrestres et ferroviaires, accompagnés d'experts peuvent constituer, à travers ce comité, le fer de lance qui pourrait contribuer dans la réflexion sur l'état des lieux et les voies et moyens de relance du tourisme national. Mais à quelque chose malheur est bon. Que cette période de crise sanitaire soit une occasion pour mieux évaluer la situation et trouver, ensemble, les moyens de gestion de la crise et de préparer la post-pandémie.