Les hôteliers algériens lancent un appel de détresse au gouvernement Djerad pour bénéficier le plus rapidement possible d'un protocole sanitaire et des autorisations leur permettant de reprendre leurs activités. Proposé par ses professionnels pour être déclaré «sinistré», le secteur du tourisme est pratiquement à l'arrêt total depuis le déclenchement de la pandémie du Covid-19. «Il y a près de deux mois, le ministère nous a promis d'élaborer un protocole sanitaire et de nous le remettre pour qu'on puisse rouvrir», nous renseigne le propriétaire d'un grand hôtel. «Le protocole sanitaire en question est prêt, ceux qui l'ont élaboré se sont inspirés des consignes et instructions de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), ils y ont puisé 24 conditions», nous a fait savoir hier Ahmed Oulbachir, président de la Fédération nationale des hôteliers (FNH). «Nous avons transmis l'information par courrier à nos bureaux régionaux (...)», note-t-il. Mais, souligne-t-il, «l'entrée en vigueur du protocole en question a été retardée à cause de la 2ème vague de la pandémie qui est un peu plus violente que la première». Lui-même patron d'hôtels à Alger, Mostaganem et Tiaret, Oulbachir rappelle qu'à une réunion avec le ministre du Tourisme «il y a une semaine, il nous a informé que le gouvernement prévoit de revoir certaines mesures fiscales et parafiscales et de voir avec les banques qui nous ont massacrés (...)». En attendant, il affirme que «nous lui avons dit il faut qu'il se batte pour qu'on puisse ouvrir, ce n'est pas normal que les hôtels publics soient ouverts et pas les privés». Il s'exclame «nous avons les mêmes conditions sanitaires qu'eux, donnez-nous les autorisations pour qu'on puisse reprendre nos activités !» Il rappelle avec une grande amertume que «nous sommes fermés depuis 5 mois, c'est beaucoup ! C'est trop !». Notre interlocuteur précise que «l'Algérie compte 1.900 hôtels dont 70 seulement sont étatiques, ce sont donc les privés qui subissent fortement les incidences de la pandémie du coronavirus». Oulbachir indique que le ministère des Finances a déclaré le tourisme «secteur sinistré». «On attend une décision du président de la République» Le président de la FNH affirme même qu' «il y a des hôteliers qui ont mis la clé sous le paillasson, il faut compter entre 40 et 50 employés en moyenne par hôtel, si on continue dans cette situation, on va tous couler et c'est un million de travailleurs qui va être au chômage». Contacté hier par nos soins, le directeur central du tourisme nous a dit que « pour toute déclaration, nous devons avoir une autorisation, appelez le cabinet et demandez-leur si je peux vous parler ou pas». Malheureusement, le cabinet n'a pas répondu à nos appels téléphoniques. Notons que le ministre du Tourisme était hier en visite dans la wilaya de Tipaza pour s'enquérir des conditions hôtelières dans lesquelles vont séjourner pour les besoins de leur mise en quatorzaine, les Algériens qui viennent d'être rapatriés de certains pays étrangers. «L'Etat n'abandonnera pas les personnels du tourisme, nous attendons la décision du président de la République(...), nous allons vous rendre heureux (rayhine enfarhoukoum)», a-t-il dit devant les caméras de médias privés. Le rapport du comité interministériel relatif à l'«atténuation de l'impact de la pandémie du coronavirus» que le ministre des Finances a lu lors de la tripartite (gouvernement, partenaires sociaux et opérateurs économiques) du samedi dernier, dit que les manques à gagner au niveau du secteur sont «répartis selon la nature des institutions touristiques à savoir hôtels privés et agences de tourisme et de voyages : 27,3 milliards de dinars par mois ; groupe hôtellerie, tourisme et thermalisme : 2,7 milliards DA par mois, Office national du tourisme algérien(ONAT) 87,6 millions DA par mois et l'Agence nationale de développement du tourisme : 31,56 millions DA par mois». Cri de détresse des hôteliers Le gouvernement fait savoir dans le même document qu'après concertation avec des opérateurs du tourisme, des propositions communes ont été retenues en leur faveur en premier «décréter le secteur du tourisme et de l'artisanat comme secteur sinistré dans le but de bénéficier des dispositions relatives aux assurances accordées dans pareil cas ; annulation des impôts et taxes (IRG/IBS et autres) ; suspension des remboursements des échéanciers des crédits bancaires et sans pénalités de retard ; facilitation pour l'octroi de prêts bancaires d'exploitation ; prise en charge par le Trésor public des charges sociales des employeurs et employés (CNAS et CASNOS) ; prolonger le délai de paiement des cotisations à la sécurité sociale de trois mois après la fin de la pandémie ; prendre en charge le paiement des charges de fonctionnement des entreprises sous tutelle de type électricité et gaz, eau, téléphonie et internet Algérie Telecom ; augmenter les contributions de l'Etat liées aux suggestions de service public pour les années à venir ; prise en charge des droits de location des sièges, locaux et ateliers, prise en charge par le Trésor public des salaires des employés des entreprises sous tutelle». Autre proposition en faveur des hôteliers «examiner la possibilité de création d'un fonds de solidarité pour les établissements hôteliers, financé par l'Etat et les grandes entreprises», dit le rapport. Il rapporte en outre que les propositions en faveur du groupe public (HTT) s'articulent autour du «paiement des créances des entreprises détenues sur les institutions de l'Etat et ses démembrements estimées à 3 milliards DA à la fin de l'année 2019, annulation de la taxe de promotion touristique, effacement des crédits trésor pour les unités du Sud, annulation des dettes domaniales pour les entreprises en difficulté, surseoir des redevances locatives pour les exercices à venir, examiner la possibilité de création d'un fonds d'appui et d'indemnisation de l'activité sectorielle». Le président de la FNH pense qu'«il faut une volonté politique ferme pour qu'on puisse reprendre nos activités». Le propriétaire d'un chaîne d'hôtels le conforte en soulignant que «la situation dramatique dans laquelle se trouve notre secteur qui, depuis 18 mois (au regard du contexte politique ambiant en 2019) et maintenant encore davantage depuis 5 mois (pandémie du Covid-19), se trouve pratiquement à l'arrêt. Cette situation -valable pour tout le secteur du tourisme en général et de l'hôtellerie en particulier- est plus dramatique pour les hôtels balnéaires qui, eux, n'ont que 2 mois d'été pour engranger 80% en général de leur chiffre d'affaires». «Il faut une volonté politique qui s'assume» Ce patron estime que «le préjudice et le manque à gagner et leur corollaire de licenciements et de pertes de recettes fiscales et autres impôts va achever tout le secteur national si rien n'est fait dans les plus brefs délais». Il conseille qu'«afin de pouvoir sauver cette saison, les hôteliers voudraient à l'instar de ce qui se fait dans le monde entier bénéficier d'un simple protocole sanitaire qui devait être diffusé et que l'on attend depuis 2 mois maintenant». Face à cette situation qu'il qualifie «d'infernale», notre interlocuteur affirme que «les hôteliers seraient plus à même de mettre en place les mesures de prévention dans leurs établissements et pourraient être des exemples pour les citoyens». Pourquoi, interroge-t-il, «priver les hôteliers qui ont des concessions de plages privées de les exploiter alors qu'ailleurs à travers le pays, les plages sont prises d'assaut et sont bondées sans que les autorités ne puissent interdire la baignade ?» Il demande encore «pourquoi ne pas permettre aux hôtels, particulièrement ceux classés, d'exploiter aussi leurs restaurants, leurs terrasses en plein air, leurs piscines au profit de leurs résidents ?» Il rappelle «en désespoir de cause» que le secteur national du tourisme est un secteur qui vit une grande détresse, tous les hôteliers d'Algérie, du nord, sud, ouest et est, sont logés à la même enseigne». Tout autant que beaucoup d'autres hôteliers avec lesquels nous avons pris contact, notre interlocuteur se pose la question «en quoi le protocole sanitaire algérien serait différent des autres dans le monde, chez les pays qui ont décidé d'ouvrir leurs complexes touristiques et hôtels pour sauver le secteur qui représente un pan important de l'économie ?» A moins, dit-il, «qu'on cherche encore à lui trouver une spécificité algérienne, ce qui serait absurde puisque tout le monde doit copier les instructions de l'OMS et s'en tenir au strict respect des règles sanitaires et gestes barrières». Pour lui, «il n'y a rien de compliqué dans cela ! Il faut juste une volonté politique qui s'assume !»