Ouyahia estime à 1000 morts le carnage de Had Chekala du mois de Ramadan de 1998. Le chef du gouvernement, Ahmed Ouyahia, a fait son show traditionnel. Il est resté égal à lui-même, avec les mêmes certitudes, le même ton et la même attitude. Sauf qu'il sait qu'on n'est plus dans les années 90 et qu'on a, définitivement, tourné la page. Mais la presse, très motivée par le « choc » des libérations et nouveaux rebondissements des mesures d'application de la Charte pour la paix et la réconciliation, le presse d'apporter des précisions. Il répond sans détours sur le cas Ali Benhadj: «Pour ceux dont l'action politique est terminée, elle est bel et bien terminée. Il faut qu'on mette un terme. Car il vaut mieux être clair dès le début que plus tard. Mais l'Etat ne doit pas se laisser mener par le bout du nez. Il y a certainement quelques inquiétudes pour ceux qui sortent de leur somnolence (...) L'usage des trois composantes de l'identité nationale doit être clair. L'Etat est contre toute tentative extrémiste ou antinationale». Voilà qui renvoie dos à dos les tenants des extrémismes des deux bords. Désormais, «nous allons leur dire: cessez vos déclarations!», martèle-t-il, mais il ne faut pas que les journalistes leur prêtent le flanc «en leur consacrant les Unes»; l'avertissement soft est évidemment destiné aux gens de la presse. Pour les inquiets, il ne faut pas non plus qu'ils paniquent. Une journaliste évoque le «danger» que peuvent provoquer les personnes relâchées dans la société. Ouyahia rappelle que 7000 personnes ont été relâchées dans le cadre de la Concorde civile sans qu'il y ait le moindre incident. Or, maintenant, il ne s'agit que de 2000 à 2500 détenus relâchés. «On ne peut continuer dans le cauchemar qu'on a vécu», lance-t-il. Hélas, l'Etat n'a pas le pouvoir de «guérir les coeurs». «J'étais classé éradicateur... un éradicateur qui a permis l'arrestation de 6000 personnes. Mais le terrorisme, nous le vaincrons.» Et il poursuit: «...Au fait, voulez-vous la stabilité?» Si oui, les textes de la Charte sont on ne peut plus clair. «Les enfants des terroristes sont des Algériens». Sans le vouloir, il fait un retour dans le temps. Ecoutons-le: «J'ai fait campagne pour la Charte à Remka, si vous connaissez». Cette localité, située dans la wilaya de Relizane est sortie de l'anonymat par le massacre le plus spectaculaire au mois de Ramadan du début 1998, rappelle-t-on, mais aucun officiel ne s'est déplacé sur les lieux pendant la première semaine. Les journalistes ont fait convenablement leur travail. La communauté internationale avait réagi. Le panel de l'ONU s'est rendu par la suite à Alger et a écouté les autorités concernées par le dossier sécuritaire. Ouyahia en parle aujourd'hui: «Ce carnage a fait 1000 morts en une seule nuit. Nous avons gardé le chiffre secret parce que nous ne voulions pas compliquer davantage la situation. Nous sommes allés sur place. J'ai été dans les deux villages de la tragédie. Les gens avaient les regards éteints». Les journalistes qui les avaient rencontrés le jour après le carnage avaient pleuré parce qu'ils n'avaient pas pu supporter l'horreur au moment des faits. Le chiffre avancé par Ouyahia a été donné par certains journaux en son temps. Mais le Premier ministre préfère parler de la situation actuelle. Sur une question relative aux licenciés pour des raisons politiques, il annonce la rédaction d'un projet de texte les concernant qui sera bientôt examiné en conseil de gouvernement. On sait déjà qu'ils seront réintégrés ou indemnisés. Est-ce qu'on leur permettra de réintégrer des postes «sensibles»? Il répond en citant un cas de directeur d'école qui a repris son poste et qui le fait sans aucun problème. «Mais on ne peut pas donner la mosquée à celui qui a prêché le djihad». Les étrangers qui ont été relâchés seront automatiquement expulsés du territoire. Quant aux exilés de l'ex-FIS, il s'en tient à la Charte mais refuse son utilisation comme «fonds de commerce comme le font les démarcheurs». La réponse semble destinée au président du MSP qui a fait état de médiation en ce sens. Sur un autre registre, il indique que les négociations avec les Britanniques au sujet des extraditions «ont beaucoup évolué». Il précise qu'elle est valable dans les deux sens. Il réfute l'indemnisation des détenus. Il invite les journalistes à relire les textes. «Le nombre des disparus enregistrés depuis 2004 est de 10.000 personnes dont 2000 récusés». Il annonce que les listes ont été remises aux walis. C'est le même cas pour «les personnes abattues qui est de l'ordre de 17.000 ». Leurs listes ont été également établies et remises aux walis. Ouyahia annonce «le renforcement de la force publique, tous corps confondus, en doublant les effectifs». Un budget de 200 milliards de dinars lui est affecté. Il est également question de renforcement de la justice. «La sécurité doit atteindre le taux de 89,99%», déclare-t-il. Le chef du gouvernement considère qu'il n'y a aucune synchronisation entre la diffusion du muezzin, la Charte et l'ordonnance relative aux rituels des non-musulmans. «Le représentant de l'Eglise en Algérie a fait une déclaration et vous avez entendu sa réponse. Le texte est conforme aux traités internationaux (...) mais nous ne voulons ni salle de prière ni église dans un garage ou un foyer».