C'est la première visite d'un secrétaire d'Etat américain à Khartoum depuis 15 ans. Mike Pompeo est arrivé comme prévu, hier, dans la capitale soudanaise, ouvrant la voie au 1er vol direct entre Tel-Aviv et Khartoum, dans le cadre d'une tournée axée sur la normalisation des relations entre l'Etat hébreu et des pays arabes. Israël et le Soudan n'ont pas de relations diplomatiques, du moins officiellement, mais avec ce «vol historique», Mike Pompeo entend rentabiliser la rencontre secrète qui a eu lieu, voici quelques mois, entre le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, et le président du Conseil souverain, Abdel Fattah al Burhane, à Entebbe. Après un entretien avec Netanyahu et son homologue britannique Dominic Raab, le chef de la diplomatie américaine va rencontrer à Khartoum le Premier ministre soudanais, Abdallah Hamdok, et le général al-Burhane. Washington a indiqué que Mike Pompeo doit «exprimer son soutien à un approfondissement des relations Israël-Soudan» et à la «transition» après trois décennies sous le régime de Omar el-Béchir. Mais c'est surtout dans le prolongement d'un accord de normalisation entre les Emirats et Israël, le 13 août dernier, que Pompeo va essayer de rallier d'autres pays arabes. En février, suite à l'entretien avec le général al-Burhane, Netanyahu avait révélé la «rencontre secrète» pour souligner la volonté commune «d'entamer une coopération qui normalisera les relations entre les deux pays». Cependant, le gouvernement soudanais avait aussitôt démenti, excluant le fait que la question ait été abordée. Depuis, les déclarations contradictoires pleuvent à Khartoum sur l'existence de contacts directs avec Israël en vue de rejoindre l'exemple émirati. Un porte-parole des Affaires étrangères soudanaises avait salué la décision des Emirats, affirmant qu'il n'y avait «pas de raison pour la poursuite de l'hostilité entre le Soudan et Israël» et reconnaissant des contacts directs avec l'Etat hébreu. Mais le tollé soulevé par ces propos au sein de la population soudanaise, aggravé par les acclamations du côté israélien, a conduit le MAE soudanais à rabrouer son porte- parole et nié toute discussion de cette nature entre les deux pays. Consciente du fait que le séjour de Mike Pompeo à Khartoum n'est guère étranger à ce climat, la coalition des partis et de la société civile soudanaise, qui a dirigé la contestation en 2019, a haussé le ton, hier, pour préciser que le gouvernement Hamdok n'a pas de mandat à cet effet. «Le gouvernement actuel est un gouvernement de transition qui gouverne en vertu d'un document constitutionnel n'ayant pas de mandat» sur la question de la normalisation des relations avec Israël, ont ainsi averti les Forces de la Liberté et du Changement (FLC), soulignant «le droit des Palestiniens à leur terre et à une vie libre et digne». Cette mise en garde sera-t-elle entendue par les autorités de transition? Si tel est le cas, la mission du secrétaire d'Etat qui met les bouchées doubles afin de conforter la liste des Etats arabes prenant exemple sur les Emirats, et ce avant la tenue de la présidentielle américaine du 3 novembre, pour laquelle le candidat Donald Trump semble en position inconfortable, sera d'autant plus vaine que l'Arabie saoudite a déjà rejeté l'appel d'offres sioniste et réitéré la position de «la terre contre la paix».