Sur fond de manifestations anti-CPE, se joue une véritable guerre des clans sans merci au sein de la politique française. Chaque saison a son combat. Tel semble être la nouvelle donne de l'insoumise et incomprise jeunesse française. Après les impressionnantes émeutes «brûlantes» de l'hiver dernier, ce printemps s'annonce à son tour particulièrement chaud dans l'Hexagone. Le fautif? Le contrat première embauche bien sûr ! Un simulacre d'hypocrisie pour les uns, un projet ambitieux pour les autres. Et entre ces deux sphères bien distinctes se trouve un imbroglio de contradictions, de promesses maladroites et surtout de protestations. Comme une évidence, le mouvement anti-CPE, qui couvre l'actualité depuis plus d'un mois déjà, est une véritable aubaine pour la gauche. Il semble bien que la revanche du spectre de la défaite de 2002 a sonné et les éléphants du PS ne manquent pas de piquer à la moindre occasion un gouvernement pas assez social, selon eux. «Le Premier ministre s'enferme dans sa tour d'ivoire...c'est une véritable irresponsabilité politique», proteste Julien Dray, le porte-parole du PS. Montrant ainsi du doigt le sentiment impérialiste qui gagne trop souvent la droite ces dernières années. «Le gouvernement doit se rendre à l'évidence, il doit céder sur le CPE ou céder sa place», menace Olivier Besancenot, leader du PCF. Plus réservé mais non moins explicite, le redoutable Laurent Fabius déclare, de son côté, que «l'hypothèse sage, c'est le retrait». Mais le retrait de quoi? D'une mesure hâtive d'une politique de l'emploi qui fait la part belle aux injustices et à la précarité des jeunes diplômés, ou bien d'un gouvernement dans son ensemble qui fait de la résistance et surtout de la provocation? Tout semble pourtant s'éclaircir lorsque le PS promet, en cas de défaite de la protestation, d'abroger le CPE s'il gagne les élections en 2007. Nous y voilà...tout se joue dans la perspective évidente de l'élection présidentielle de l'année prochaine. Jusqu'à maintenant, la gauche, trop désolidarisée, particulièrement depuis le référendum interne sur la Constitution européenne, ne trouvait pas son cheval de bataille cohérent et uni. Or dans n'importe quel combat, il y a bien le camp qui agresse et celui qui se défend. Fort de la grogne populaire, le PS français préfère attaquer tous azimuts par le biais des branches syndicales plus déterminées que jamais et d'associations étudiantes en rage. Au dernier sondage, près de 60% des Français sont contre le CPE. De là à y entendre que ce même taux serait du côté de la gauche, tout n'est pas si simple. Bien évidemment, les détracteurs crient au scandale en évoquant la période noire du chômage sous Jospin. «Il ne faut pas oublier que le CPE est avant tout une tentative comme une autre d'endiguer le chômage et particulièrement celui des jeunes diplômés», s'insurge un militant UMP. Tandis que Thierry Breton, ministre de l'Economie, temporise: «On est dans le temps de l'adaptation et du dialogue.» Certains de ses pairs justifient même l'entêtement du Premier ministre comme une volonté de rompre avec la malédiction qui veut que, depuis 1986, la droite plie systématiquement devant les protestations étudiantes.Un affront qui ne fait pas l'unanimité en vue de la baisse vertigineuse de la cote de popularité de De Villepin qui chute de 6 points, passant de 43% à 37% en un mois. Et pourtant, ce n'est pas faute du président de la République d'amortir la chute ! En à peine une semaine, Jacques Chirac lui a exprimé son soutien sans demi-mesure à quatre reprises en déclarant, entre autres,: «Il est capital d'agir pour l'emploi des jeunes, et le CPE marque cette volonté déterminée du gouvernement et du Parlement.» Devant cet élan de solidarité, force est de constater qu'il manque un pion indispensable: Nicolas Sarkozy. Et pourtant ne nous y trompons pas, l'homme mise, comme à son accoutumée sur une stratégie communicative sournoise. Une position qu'a dénoncée récemment Laurent Fabius: «Si la méthode déplorable est celle de M.De Villepin, les idées, déplorables elles aussi, sont celles de M.Sarkozy. On a là avec le CPE ce que préfigurerait la venue au pouvoir de M.Sarkozy.» Ainsi, il apparaît à nouveau clair que la finalité essentielle du débat est la chaire, tant convoitée, de l'élection présidentielle. Et pourtant pendant que les politiques se crêpent le chignon pour prouver qui mériterait sa place en 2007, les revendications de la rue ont déjà de lourdes conséquences. Ainsi, hier, on apprenait le lynchage d'un syndicaliste par les forces de l'ordre lors d'une manifestation, plongeant l'homme dans un coma grave. Un incident grave qui n'augure rien de positif dans cette course anti-CPE et qui fait craindre le pire pour la mobilisation nationale du 28 mars prochain. L'heure est à un compromis, au plus vite!