Avec son premier long métrage «Ibrahim», le cinéaste franco-algérien Samir Guesmi a raflé mercredi dernier quatre trophées dont le Valois de Diamant, récompense suprême du Festival du film francophone d'Angoulême (FFA) qui s'est tenu pour sa 13e édition du 28 août au 2 septembre. Un festival qui s'est bel et bien tenu et déroulé sans heurts, rappelons-le et ce, eu égard au contexte bien particulier, celui de la pandémie du Covid- 19 dont les chiffres ne font qu'augmenter d'ailleurs, en France. Une razzia de prix dans ce festival où «l'on a rarement vu ça!» s'est exclamé le journaliste de TV5Monde, partenaire du festival d'Angoulême à l'adresse de Samir Guesmi. Des distinctions remises d'ailleurs, à l'unanimité par le jury. « C'est énorme. Autant de prix c'est qu'il y a quelque chose qui ne colle pas..(sourire). Je vais les partager avec toute l'équipe. Tous ceux qui m'ont aidé à faire ce film parce qu'il leur revient. Je vais les partager avec la production et les comédiens qui sont incroyables. À propos des mots du jury qui ont affirmé avoir récompensé les moments de silence et d'émotion, Samir Guesmi, ému au micro de TV5Monde, avouera un peu gêné: « Que voulez-vous que je réponde à ça? ça me transperce, ça me bouscule énormément. Je ne sais pas si les mots puissent être à la hauteur de ce que je ressens et la reconnaissance pour les prix que j'ai là, peut-être faire un autre film... L'envie de rendre. Car faire un film, c'est un cadeau que l'on reçoit, le pouvoir de le faire, ensuite ce cadeau-là, on vous le transmet, on vous le donne.» Evoquant l'humanisme et le rapport entre le père et son fils dans ce film, Samir Guesmi souligne un peu timide et ému «la difficulté de dire..C'est un sempiternel sujet qui a été traité déjà. C'est plus qu'un sujet. C'est une maladie de ne pas réussir à dire aux gens qu'on les aime et qu'il faut guérir de ça au plus vite». «Ibrahim» dont l'écriture fut très difficile pour son auteur, est un film très personnel qui évoque les rapports compliqués entre un père et son fils. Rapports entre un père et un filsUn sujet qui était déjà au coeur d'un précédent court-métrage, «C'est dimanche!» que Samir Guesmi avait réalisé il y a plus d'une dizaine d'années et qu'il a développé pour ce premier long-métrage. Ce n'est que mérité pour cet homme que l'on connait beaucoup comme acteur ces dernières années et qui n'a pas eu beaucoup de rôles importants dans sa carrière, mais a su travailler avec acharnement durant toutes ces années dans le milieu cinématographique en France pour s'imposer. Sorti en 2020 chez «Why Not Productions», «Ibrahim», a également décroché le Valois des meilleures mises en scène et musique, ainsi que celui du meilleur scénario, devant entre autres films, «Un triomphe» (France) d'Emmanuel Courcol qui a obtenu le Valois du public et «Slalom» (France-Belgique) récompensé du Valois Magelis des étudiants francophones, dans une édition qui a inscrit à son programme une soixantaine de films dont 10 en compétition. À noter que ce film fait partie de la Sélection officielle Cannes 2020. Samir Guesmi joue aussi dedans. Son film raconte les péripéties du jeune Ibrahim, partagé entre son père, Ahmed, écailler à la brasserie du Royal Opéra, sérieux et réservé, et son ami du lycée technique, Achille, plus âgé que lui et spécialiste des mauvais coups. C'est précisément à cause de l'un d'eux que le rêve d'Ahmed de retrouver une dignité et de travailler en salle se brise lorsqu'il doit régler la note d'un vol commis par son fils et qui a mal tourné. Les rapports se tendent, mais Ibrahim décide alors de prendre tous les risques pour réparer sa faute, rendre un sourire à son père et se trouver enfin lui-même... Le film, devrait sortir dans les salles en France, le 9 décembre prochain. L'art dramatique et les perspectives de vie Pour ceux qui ne connaissent pas tres bien Samir Guesmi, il est né en 1967 à Paris, d'une famille algérienne Samir Guesmi, acteur-réalisateur a débuté dans le cinéma avec le polar «Jaune revolver» au côté de François Cluzet, avant de décrocher en 1994, un premier rôle dans la comédie «Malek le maudit» qui lui vaudra d'être distingué du Prix d'interprétation masculine au festival d'Amiens. Toujours lors de son interview avec TV5Monde, Samir se souvient avoir aimé se lancer dans le théâtre quand il avait entre 18 et 20 ans. Aussi, il cherchera sa voie jusqu'à «tomber dans un cours dramatique qui ouvre toutes les perspective» dira t-il toujours au micro devant le journaliste le regard vissé sur lui. Le jeune acteur multipliera ainsi les seconds rôles et s'imprègne davantage du monde du 7e Art pour connaître la célébrité en 2006 dans «Ne le dis à personne», thriller de Guillaume Canet, puis en 2012 dans la série télévisée jusqu'en 2015, «Les Revenants», de Fabrice Gobert. Samir Guesmi va enchaîner les rôles dans une vingtaine de films, donnant la réplique à Jean Dujardin dans «Cash» ou André Dussollier dans «Leur morale et la nôtre» pour se voir ensuite distribué dans des films de cinéma d'auteurs, comme «Je suis heureux que ma mère soit vivante» de Claude Miller ou encore «Hors la loi» de Rachid Bouchareb, entre autres. A propos de son film «Ibrahim», Samir Guesmi dira qu' «Il s'agissait de mettre des mots sur ce que l'on traverse, comprendre qu'on n'est pas seul. Que d'au-tres et pas des moindres, ont mis des mots dessus. Grâce aux poètes et ces auteurs on se rend compte qu'on n'est pas seul. Ensuite commencer à comprendre ce qui nous traverse. Le jouer pour essayer de le sublimer et finir par gagner sa vie avec, c'est quand même un cadeau incroyable que la vie me fait!». Et de poursuivre songeur: «Ce qui me touche, c'est l'éclectisme du public. Ce film n'a pas vocation d'apporter de message. Ce sont ces femmes, hommes, jeunes, moins jeunes, et ce, de diverses horizons etc. Je me rends compte que le film leur a parlé. Mais je ne sais pas comment il leur a parlé. Mais en tout cas, il leur a parlé et ça, pour moi c'est énorme. Apres, ce qu'il raconte j'ai envie de dire, libre à vous d'entendre ce que vous voulez. Et si vous l'avez entendu, c'est que vous avez su ce qu'il fallait entendre. Quand je faisais ce film je ne me sentais pas en train de faire un film sur l'humanité, mais je me sentais petit parmi tous les autres en essayant de dire ma parole.». Un film émouvant à juste titre, qui connaitra assurément une belle suite de carrière prometteuse dans les festivals...C'est tout le mal qu'on lui souhaite.