Contactée hier, Fatiha Benabbou, professeure de droit constitutionnel à l'université d'Alger, précise, notamment, que «conformément à la lettre et à l'esprit de l'actuelle Constitution, le chef de l'Etat n'a vraiment pas le choix de ne pas soumettre le texte de la révision constitutionnelle au Parlement». Deux options se présentent à lui : soit passer outre la Constitution, comme l'a bien fait le chef de l'Etat déchu, Abdelaziz Bouteflika, lors de la révision de 2016 et l'ancien président de la République,en l'occurrence feu Chadli Bendjedid, à l'occasion de la Constitution de 1989, soit rester dans le processus constitutionnel qui offre toutes les garanties. En fait, selon Fatiha Benabbou, «pour la révision de la Constitution il existe une voie balisée par la Constitution, et une autre née de la pratique présidentielle. C'est ce qui s'est passé en l'occurrence, en novembre 1988, avec le président Chadli Bendjedid, lorsqu'il a pressenti une hostilité parlementaire». À ce niveau, «l'interprétation présidentielle du texte constitutionnel y a intégré un procédé parallèle, au-dessus de la Constitution, qui a prévu le référendum comme mode de révision, aménageant, ainsi, deux circuits de révision constitutionnelle». En premier lieu, une voie «institutionnalisée», c'est-à-dire que l'expression souveraine du peuple y est indirecte, s'exerçant par la médiation institutionnelle, procédé de démocratie indirecte, posé par le titre 4 de la Constitution. Là, aussi, la Constitution laisse encore au président, l'alternative entre deux choix: d'abord, l'article 208, apparemment présenté comme le principe en la matière, semble concerner les modifications profondes de la Constitution, puisqu'il nécessite la ratification populaire comme onction démocratique, en surplus. Il s'agit d'une procédure longue et solennelle qui associe quatre acteurs: le président de la République comme initiateur du projet, l'APN, le Conseil de la nation et le peuple. Cette procédure, longue et solennelle, garantit-elle un délai pour la discussion du contenu de la Constitution? D'après notre interlocutrice, «en principe, la discussion s'engagera selon la procédure du vote avec débat général. Cependant, il peut y avoir une procédure abrégée de discussion. De même, rien n'empêche le gouvernement d'utiliser tous les moyens que lui offre la procédure législative pour éviter la dénaturation du projet présidentiel et lui assurer son intégrité». «Certes le peuple (...) ne fait qu'approuver ou rejeter en bloc l'acte de révision. Néanmoins, il dispose d'un atout: à travers cette procédure, indique-t-elle «le peuple se trouve plus informé grâce à la longue délibération parlementaire qui vient de se dérouler. La publicité des débats parlementaires (sous réserve qu'ils soient retransmis par les médias) lui permettra, assurément, d'être au courant d'enjeux politiques qu'il était loin de soupçonner», estime-t-elle. Par ailleurs, poursuit-elle, «l'article 210 semble présenté comme l'exception et relégué à la révision de dispositions de portée mineure. Il s'agit d'une procédure abrégée faisant intervenir deux organes: le président de la République et le Parlement, réunis en formation spéciale. Il y a aussi la voie «souveraine», procédé de démocratie directe qui postule à l'intervention du peuple par le biais du référendum. Il s'agit d'une pratique parallèle, devenue expression normalisée de la révision (par-delà la lettre et l'esprit du titre 4 de la Constitution, faut-il souligner)». De même, les députés peuvent proposer des amendements. «Ces amendements seront donc soumis aux mêmes conditions de recevabilité qu'un texte législatif», dit-elle. S'agissant du vote de ce texte, «l'article 208, alinéa 1er précise que le projet de révision constitutionnelle sera soumis à la commission des affaires juridiques et administratives et des libertés de l'APN et à celle du Conseil de la nation. Ainsi, une délibération sera effectuée, au préalable, à l'APN, puis transmis au Conseil de la nation». Elle a rappelé que «le texte exige un vote identique des deux chambres, à la majorité simple. Dans le cas contraire, une commission mixte, paritaire, sera convoquée pour aplanir les divergences». Par la suite, «lorsque la révision est adoptée par le Parlement, le président doit convoquer le corps électoral dans un délai de 50 jours», a-t-elle précisé. Enfin «l'article 209 de la Constitution énonce que la révision, repoussée par le peuple, devient caduque et ne peut lui être soumise durant la même législature.