Un projet de loi portant code de procédure pénale dont L'Expression a eu une copie en exclusivité sera examiné par le Parlement. Une équipe de magistrats algériens s'est rendue, cette semaine, dans la capitale britannique en vue de donner un coup de pouce au contentieux des extraditions ouvert depuis 2002, sous la férule de Ahmed Ouyahia qui était alors ministre de la Justice. «Ce déplacement n'est pas fait pour trouver un compromis sur ce dossier mais il s'agit d'abord de plaider les vertus de la réconciliation et lui donner un écho international», a indiqué une source proche du ministère de la Justice. «L'équipe est composée d'éminents juristes qui ont eu à traiter des dossiers laborieux durant la période de tragédie nationale et qui ont participé, de près ou de loin, au dossier de réforme de la justice», précise cette source. Dans la valise des magistrats algériens, plusieurs arguments à même d'accélérer le dossier des extraditions. En plus de la réconciliation nationale qui a permis la libération de plus de 2600 islamistes, les magistrats algériens sont partis à Londres en possession d'un projet de loi portant code de procédure pénale. Ce projet de loi dont L'Expression a eu une copie en exclusivité, a été évoqué par le président de la République lors de son discours prononcé jeudi, à la cérémonie d'ouverture de la Conférence nationale des avocats, à Alger. Selon un membre de la commission chargée des affaires juridiques auprès de l'Assemblée nationale, «le projet de loi sera remis aux députés dans les quelques jours à venir et il sera avalisé par l'APN avant la fin du mois d'avril». Le projet comporte dix propositions d'amendements dont au moins une qui se rapporte directement au contentieux entre les deux pays. Cette disposition porte en effet, sur la protection des libertés individuelles et le respect du principe de la présomption d'innocence par le contrôle de l'autorité judiciaire sur les activités de la police judiciaire. Il est proposé à ce titre la modification de l'article 36 et l'insertion d'un nouvel article (art. 65- 1 ) qui mettent en exergue le rôle et les prérogatives du procureur de la République relativement aux activités de la police judiciaire, notamment en matière de protection des droits et libertés des personnes. D'autre part, la même disposition renforce les attributions des agents de police judiciaire en matière d'enquête. C'est ainsi que la modification proposée à l'article 36 oblige le procureur de la République à visiter les locaux de garde à vue chaque fois qu'il l'estime nécessaire et au moins une fois tous les trois mois. De même qu'elle confère au procureur de la République tous les pouvoirs attachés à la qualité d'officier de police judiciaire. Une belle revanche pour la justice algérienne qui se voyait systématiquement refuser des commissions rogatoires en Angleterre sur des éléments terroristes du GIA et du Gspc algérien durant les années de braise. D'autre part, c'est une véritable aubaine pour le gouvernement Blair en butte à une farouche opposition des associations de défense des droits de l'Homme. Les lois sur les droits de l'homme en Grande-Bretagne interdisent au gouvernement d'extrader une personne «si, dans son pays, elle risque un traitement inhumain et dégradant». Le Royaume a d'ailleurs refusé d'extrader dix-sept Algériens qu'il détient dans ses prisons sous prétexte qu'ils sont menacés de torture et de mauvais traitements. Alger a refusé en toute souveraineté un contrôle judiciaire extérieur. «C'est ce fait qui bloque l'expulsion de suspects algériens de terrorisme de Grande-Bretagne vers leur pays d'origine», a révélé vendredi un diplomate algérien. Au fait, l'équation des extraditions n'a jamais posé de contrariétés pour les autorités algériennes. Alger a exprimé plusieurs fois sa volonté de coopération avec les Britanniques. Dans la missive de condoléances adressée au Premier ministre Tony Blair suite aux attentats de Londres en juillet 2005, le président Bouteflika a réaffirmé les engagements antiterroristes de l'Algérie. Mais ce sont les Britanniques qui ont toujours été réticents. Rassuré par le projet de réconciliation nationale, Blair a dépêché à Alger en juillet 2005 M.Kim Howells, ministre d'Etat chargé du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord et de la Sécurité internationale. Les pourparlers n'ont pas avancé. Les temps, les rapports et la vision changent : ce sont les juges algériens qui vont s'en occuper.