La totalité de ces crimes, désormais, deviendront imprescriptibles. Un nouveau geste de bonne volonté en direction des étrangers. L'Etat algérien compte faire montre d'une sévérité sans faille envers les criminels des temps modernes. La démarche, nous dit-on, «a pour objet d'adapter le code pénal aux mutations politiques, économiques et sociales que vit le pays, dans le traitement des nouvelles formes de criminalité induites par ces changements». C'est du moins sous cet angle précis qu'il conviendrait d'appréhender les projets de lois modifiant et complétant les codes pénal et de procédure pénale, dont nous avons obtenu copies. Les deux textes poursuivent les mêmes objectifs en obéissant à une philosophie unique. Ils s'inscrivent, comme le précisent les exposés des motifs, «dans le cadre de la réforme globale de la justice». Dans la lancée, ils tentent de s'adapter aux mutations mondiales et mieux répondre aux besoins et garanties exprimées par les éventuels investisseurs et partenaires étrangers. Ainsi, comme le stipule d'entrée de jeu l'article 8 bis: «L'action publique ne s'éteint pas par la prescription en matière de crimes et délits qualifiés d'actes terroristes ou subversifs, de crime transnational organisé et de corruption.» Afin de donner plus de poids à une pareille innovation, mais aussi de se conformer aux multiples conventions internationales ratifiées par notre pays, un second alinéa est ajouté à l'article 37 du code de procédure civile afin d'étendre les prérogatives territoriales des juges, procureurs et magistrats instructeurs lorsqu'il s'agira de «trafic de drogue, de crime transnational organisé, d'atteintes aux systèmes de traitements automatisés des données (il est question ici des hackers ou pirates informatiques, Ndlr), de blanchiment d'argent, de terrorisme et de crimes et délits relatifs à la législation des changes». Pour rappel, nous avions déjà publié, en exclusivité, le projet de loi relatif à la lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme, dont les objectifs rejoignent, eux aussi, les amendements dont il est question ici. C'est dans cette optique que la notion de personne morale a été affinée dans le code pénal, avec des sanctions, souvent très lourdes, en direction des entreprises qui ne se conforment pas au droit existant, et qui causent bien souvent pas mal de tort à l'économie algérienne ainsi qu'à la crédibilité des institutions. L'article 177 bis fait ainsi état de «l'interdiction pour une durée de cinq ans d'exercer directement ou indirectement l'activité dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de laquelle l'infraction a été commise». Pour ce qui est du crime lié au blanchiment d'argent et à la fuite des capitaux, les peines encourues promettent de dissuader les plus téméraires, du moins faut-il l'espérer. L'article 389 bis1 prévoit ainsi que «quiconque commet un fait de blanchiment de capitaux (défini au 389 bis) est puni d'une peine de cinq à dix ans de prison et d'une amende de 1000.000 à 3000.000 de dinars». Concernant les pirates informatiques, un crime contre lequel les pays occidentaux ont pris une bonne longueur d'avance sur nous, l'Algérie s'y penche pénalement pour la première fois de son histoire. L'article 394 bis souligne ainsi qu'«est puni d'une peine d'emprisonnement de trois mois à un an et d'une amende de 50.000 à 100.000 DA, quiconque accède ou se maintient, frauduleusement, dans tout ou partie d'un système de traitement automatisé de données, ou tente de le faire». Il est ajouté que «la peine est portée au double lorsqu'il en est résulté soit la suppression ou la modification de données contenues dans le système». L'article suivant pousse les peines encore plus loin, jusqu'à trois ans de prison et 2000.000 de dinars d'amende à l'encontre de «quiconque introduit frauduleusement des données dans un système de traitement automatisé ou supprime ou modifie frauduleusement les données qu'il contient». Plusieurs autres articles nouveaux s'intéressent au sujet et tentent de le sérier de la manière la plus complète qui soit. Il reste à souligner, toutefois, qu'autant nos magistrats, déjà bien en peine de saisir les techniques de fraudes bancaires, auraient encore plus de mal à se pencher sur les piratages informatiques pour tenter d'instruire une affaire et de juger sans craindre de se tromper, selon leurs intimes convictions. Dans le même temps, si les retards en matière d'arsenal juridique semblent en passe d'être comblés peu ou prou grâce à ces amendements, il ne fait pas de doute que les services de sécurité algériens, police et gendarmerie, ne sont guère outillés ni formés, pour traquer des pirates capables (en théorie) de s'introduire dans des sites aussi bien protégés que pourraient l'être des banques ou bien des sites institutionnels. De même, la notion de formation de groupes en vue de commettre des crimes pour s'enrichir est-elle extrêmement détaillée dans le but de lutter plus efficacement aussi bien contre le terrorisme que contre le crime organisé. Ce fléau, est-il besoin de le préciser, connaît une hausse considérable à la faveur du passage de l'Algérie à l'économie de marché. Le même phénomène, du reste, avait été observé dans tous les anciens Etats du défunt bloc de l'Est. Les textes, hélas, n'amendent pas les anciens articles venus criminaliser les délits de presse, y incluant même des risques de peines d'emprisonnements ainsi que de très lourdes amendes. L'on croit savoir, cependant, que les projets de loi, déjà adoptés par l'Exécutif en conseils des ministres et de gouvernement, pourraient faire l'objet d'amendements abondant dans ce sens lors de leur passage par l'APN dans quelques semaines à peine. Ce que nous ont indiqué des députés qui trouvent que la sévérité des peines prévues contre ces nouvelles formes de criminalité n'ont d'égal que le manque d'égard encore affiché à l'endroit de la presse algérienne. Il est à souligner, pour finir, le projet de mise en place d'un casier judiciaire national automatisé dans le but d'accélérer les procédures ainsi que les délais d'attente des justiciables. Un mouvement, que l'on suppute vaste, est également prévu dans le corps des magistrats dans les prochains jours. «Lui aussi, nous disent nos sources, entre dans le cadre de la réforme globale de la justice.»