A chaque session, les chiffres étaient là pour démentir le bilan de politique générale du gouvernement. Evaluation, analyse et anticipation, telles semblent être les missions du Conseil économique et social (Cnes). Mais à quoi sert-il d'anticiper si les conseils ou critiques ou énoncés ne sont pas pris en considération par le gouvernement? Lorsque l'on sait que l'action du prédécesseur de Babès n'a pas été appréciée par l'actuel chef de l'Exécutif, on est en droit de se poser des questions sur les relations qui les lient ou qui les éloignent. Créé en 1994, dans une situation politique instable, le Cnes se voulait être une entité consultative destinée à évaluer et analyser les risques économiques et, le cas échéant, faire des propositions. Mais, vite fait, on aura compris que les rapports entre Mentouri et Ouyahia n'étaient pas amicaux depuis le début, c'est-à-dire depuis que celui-ci occupait ce même poste sous Zeroual. A chaque session du Cnes, les chiffres étaient là pour démentir le bilan de politique générale du gouvernement. Les relations étaient très tendues entre les deux hommes. Elles ont été à l'origine de la démission du président du Cnes. La circulaire du 13 février 2006 introduit de nouveaux mécanismes. En ce qui concerne l'auto-saisine , elle portera sur les thématiques de portée stratégique en fonction de la manière dont sont menées les réformes. Le Cnes hérite de trois objectifs essentiels : apporter conseil aux plus hautes autorités, les doter d'une table de «concertation permanente» et il postule enfin au rang de «pôle d'attraction, de contrôle et de suivi des politiques publiques». Babès tient un discours académique. Il parle «à coeur ouvert» avec les journalistes de l'Expression de son statut, de sa mission et de ses prérogatives. Le Cnes est souverain de par sa nature, même si le mot n'est pas prononcé. Il serait plutôt détaché de toute tutelle, voire autonome. Il est là pour récolter les informations, les analyser, les vérifier et faire son rapport qui sera présenté en session plénière en présence du staff du gouvernement. Le président du Cnes préfère l'expression «recul critique» à «rapport critique». La sémantique est sélective. «Tout se fait par consensus au sein du Cnes», dit-il. Ses référents sont les organismes similaires en Europe, l'Ocde, la bonne gouvernance... Un discours qui n'est pas fait pour plaire au Parti des travailleurs. Le Cnes ne peut décider seul de la date de la session. Il la négocie ou plutôt il demande la «validation» par le gouvernement. Mais au préalable, les ministres ont droit de regard sur les travaux des ateliers du Cnes. Les rapports sont élaborés et vérifiés. Dès lors, l'ouverture solennelle est programmée pour la circonstance. Mais pourquoi crée-t-on ce genre d'institution? ... «Dans le monde entier il y a des Cnes avec les mêmes prérogatives». Où puise-t-il ses informations? Selon son président, «le Cnes ne dispose pas de sources propres pour la collecte des informations». Il n' a pas non plus d'outils propres. Il rassemble les informations dans un espace commun à tous. Mais l'apport du Cnes réside dans la compétence de ses cadres. Il réunit des sommités en la matière. Leur rôle principal est la collecte et l'analyse des informations puis la rédaction des rapports. Le Cnes est une institution consultative. Il dispose d'un budget bien défini. Il a l'autonomie dans le choix des sources d'information. Il a accès aux autres institutions. Il a la mission de présenter des rapports qui permettent les ajustements nécessaires en matière de politique économique mais ne peut en aucun cas se substituer à l'Exécutif ou démentir ses chiffres qui sont puisés à la même source.