La question mémorielle est un des sujets majeurs qui minent les relations algéro-françaises. Plus de 130 années de colonisation ont creusé un fossé entre les deux pays et créé des différends qu'ils tentent désormais d'aplanir. Les deux pays ont en commun une histoire tragique: plus de 130 années d'une colonisation barbare que les Algériens ont dû subir, avant d'accéder à l'indépendance, après une Guerre de Libération nationale sanglante qui a duré plus de sept ans. Les séquelles sont toujours présentes, des plaies qui ne se sont jamais cicatrisées. Le récent rapatriement des 24 crânes de chefs de la résistance à l'occupation française témoigne de ce passé douloureux, de la sauvagerie dont a fait preuve la France coloniale. Leur restitution par la France officielle, à l'occasion de la célébration du 58ème anniversaire de l'indépendance, est considérée comme un premier geste qui tendrait vers l'apaisement. D'autres, plus symboliques pourraient y contribuer. Le retour de Baba Merzoug en fait partie. Canon de 12 tonnes, de 7 mètres de long, ayant une portée de 4,8 kilomètres il fut ramené comme trophée de guerre lors de l'invasion française, en juillet 1830. Des associations algériennes ont plaidé son rapatriement, sans succès, avant qu'il ne fasse l'objet d'une demande officielle en juillet 2012. «Une demande officielle des autorités algériennes pour le faire revenir à Alger, a été déposée au Quai d'Orsay début juillet», avait affirmé une collaboratrice de Jean-Yves Le Drian, ministre français de la Défense à l'époque. Le président de la Fondation Casbah en avait fait son cheval de bataille. La présidente du comité national pour la restitution de Baba Merzoug, ne lâche pas prise. Baba Merzoug qui «fait partie intégrante de l'identité algérienne, comporte plusieurs symboles, c'est pourquoi sa restitution est un devoir national», a déclaré Me Fatma-zohra Benbraham lors d'une conférence historique organisée le 30 septembre au Centre d'études et de recherches sur le Mouvement national et la révolution du 1er Novembre 1954 (Cnermn54) sous le slogan «Tous pour la récupération du canon de Baba Merzoug». Les participants à cette rencontre ont souligné l'importance de la récupération de ce canon, devenu une oeuvre d'art du patrimoine algérien. «L'opération de récupération requiert de se prémunir, par la loi, ainsi qu'une bonne connaissance des lois françaises et du droit international, pour que les demandes soient fondées», a fait remarquer la célèbre avocate, qui retrace succinctement l'histoire fabuleuse de cette pièce de guerre qui fut un rempart remarquable contre les envahisseurs de tout poil, bien avant la colonisation française, avant de connaître un triste sort. «Cette pièce a été négligée pendant trois ans avant d'être transférée à Brest, en France», a-t-elle indiqué. Son rapatriement n'est pourtant pas gagné d'avance. La France officielle y tenait il y a un peu plus d'une dizaine d'années. «Ce canon fait partie intégrante du patrimoine historique de la Défense...le personnel de la marine lui manifeste un attachement particulier», avait déclaré Michèle Alliot-Marie, ministre de la Défense de Jacques Chirac entre mai 2002 et mai 2007. Baba Merzoug sera-t-il le canon de la «discorde»? La question est posée. Le feuilleton continue..