«Il y a encore beaucoup de traditions ancrées dans nos sociétés qu'on n'a pas encore explorées». Le café théâtre de la Bibliothèque nationale d'El Hamma a accueilli, avant-hier, le dramaturge marocain Abdelkrim Berrachid. L'homme, très attaché au quatrième art, a parlé, non sans enthousiasme, de son expérience dans le théâtre festif. Un genre, selon lui, qui fait naître le côté humain en l'homme. «Au début, c'était la parole» souligne le conférencier pour expliquer que l'homme est, par essence, un être civilisé. «Et le théâtre est un pur produit de la civilisation humaine». Le Dr Berrachid croit dur comme fer que la vraie vocation du quatrième art est d'unir l'homme à son semblable. «Dans le théâtre, on est censé accepter l'opinion de l'Autre, même si on n'est pas de son avis. Le théâtre est, en fin de compte, ce lieu où l'on apprend l'art d'être libre. Car, jamais on ne peut concevoir un art sans disposer d'une liberté pour le mettre en valeur» a déclaré l'orateur. Ce dernier n'a, en outre, pas manqué de souligner l'universalité du quatrième art. «En lisant ou assistant à la représentation des pièces des hommes du théâtre les plus célèbres, à l'instar de Brecht, Shakespeare, Ionesco, on ressent étrangement que les drames qu'ils mettent en scène sont universels. Aucun être humain ne peut en rester insensible». Aussi et afin que les humains ne continuent de soliloquer et de se lancer dans de vains monologues, le Dr. Abdelkrim Berrachid a consacré sa plume et son talent à un théâtre où l´homme parle à l´homme, pour en faire une école de tolérance où chacun accepte l´autre avec ses principes intellectuels et confessionnels. «Pour moi, l'idée du choc des civilisations n'est que dérision et stérilité. Les civilisations, par essence, se complètent». Cela nous rappelle ce philosophe, dont le nom nous échappe, selon qui «toutes les civilisations humaines sont bâtardes». Cela va de pair avec la pensée de Berrachid. En outre, tel que décrit dans son ouvrage critique Les forêts des signes , le dramaturge Berrachid considère le théâtre comme «un foyer pour ceux qui n´ont en pas». Ce dramaturge marocain a, à travers les 35 pièces qu'il a écrites dont la plupart en arabe académique, fait des planches un espace pour véhiculer les vertus du dialogue, de la complémentarité et de la communion, auxquelles il ne cesse de croire et de défendre. Partant du principe du dialogue, le dramaturge a indiqué qu´il croit en le théâtre festif reposant sur trois fondements à savoir, l´humanisme de l´homme, le dynamisme de la vie et le civisme de la cité, par référence aux villes ayant connu un épanouissement de l´art théâtral, à l´instar d´Athènes, Paris et Londres. Par ailleurs, le conférencier s'oppose violemment aux partisans du théâtre expérimental qui «prétendent que le théâtre arabe est un bavardage qui n'a pas de sens. Ils ont ainsi construit le théâtre sur les expressions corporelles». «Pourtant, explique-t-il, la richesse de notre patrimoine peut nous servir dans la promotion de notre théâtre. Il y a encore beaucoup de traditions ancrées dans nos sociétés qu'on n'a pas encore explorées. D'autant plus elles peuvent nous servir d'apport indéniable et incontestable». Né en 1943 à Aberkane, à l´est du Maroc, le dramaturge Abdelkrim Berrachid est également journaliste et enseignant. Il a à son actif plus de 35 pièces théâtrales et plusieurs études critiques. Il a, en outre, mis en scène plus de 10 pièces théâtrales et écrit certaines d´entre elles. Ses pièces sont enseignées dans plusieurs écoles et instituts de théâtre marocains et arabes, certaines de ses oeuvres sont même traduites dans plusieurs langues.