A peine confirmé, le cabinet du Hamas se trouve confronté au boycott déclaré ou implicite de l'Occident. Résolument opposé à l'investiture du gouvernement formé par le mouvement islamiste Hamas - vainqueur des législatives du 25 janvier - l'Occident n'a pas tardé à mettre à exécution ses menaces en boycottant délibérément l'Autorité palestinienne, à l'instar de Washington et d'Ottawa, ou implicitement de l'Union européenne. En fait, l'évolution de la situation dans les territoires palestiniens n'est pas surprenante, d'autant plus que l'attentat suicide commis jeudi en Cisjordanie contre une colonie juive qui a occasionné la mort de trois colons et l'auteur de l'attentat - quarante-huit heures après la victoire de Kadima, parti du Premier ministre par intérim, Ehud Olmert - n'était pas de nature à contribuer à calmer le jeu. Bien au contraire, toute opération de la résistance palestinienne outre d'être qualifiée de «terroriste» est toujours l'action de trop au moment où les exactions de l'armée israélienne, contre la population palestinienne, relèvent invariablement de l'autodéfense ou d'actions ponctuelles pour prévenir la violence. De fait, un Palestinien a été tué jeudi lors d'un raid israélien sur une voiture circulant à Ghaza. A la longue le conflit entre Israël et les Palestiniens -dont les territoires sont occupés depuis quarante ans par les forces armées israéliennes- s'est perdu dans des arguties sémantiques où l'occupant a toutes les raisons d'employer la violence contre l'occupé, alors que ce dernier, outre de subir les pressions de la «communauté internationale», est taxé de terroriste. C'est cette dérive - qui fait que les forces d'occupation sont encensées alors que le peuple qui lutte pour sa liberté est taxé de toutes les violences - qui a fait que le dossier palestinien attend depuis soixante ans sa solution, parce que, dixit le Département d'Etat américain, on «n'impose rien à Israël» ou «toute pression (sur Israël) est contre-productive». Or, à qui veut-on faire croire que le Hamas -ou tout autre pays arabe- a (ont) la capacité de «détruire» Israël, seul Etat du Moyen-Orient doté de l'arme nucléaire et de la plus puissante armée conventionnelle? L'Occident qui a mis en pratique sa menace de boycott du gouvernement Hamas exige de celui-ci qu'il reconnaisse Israël, abandonne la violence et respecte les accords passés. Or, l'Occident, qui condamne et exige à sens unique, n'a proposé en revanche aucune alternative qui puisse rétablir le processus de paix au moment où Israël s'est engagé dans une politique de «séparation unilatérale» qui ne tient compte ni des Palestiniens ni ne respecte, a fortiori, les résolutions du Conseil de sécurité afférentes au dossier proche-oriental et les engagements de l'Etat hébreu envers ces mêmes accords signés avec les Palestiniens. De fait, à peine le gouvernement du Hamas confirmé par le Parlement, l'Occident est revenu à la charge à l'instar du ministre allemand des Affaires étrangères, Frank-Walter Steinmeier qui, en visite en Norvège, a rappelé hier que les aides directes de l'Union européenne (UE) étaient «liées à plusieurs exigences» adressées au Hamas, à savoir la reconnaissance d'Israël, l'abandon de la violence et le respect des accords israélo-palestiniens. Par ailleurs, Washington, qui défend une solution négociée entre Israéliens et Palestiniens, se trouve en porte-à-faux vis-à-vis de la politique de retraits unilatéraux de Sharon d'abord, d'Olmert ensuite, l'un et l'autre faisant peu cas des accords israélo-palestiniens et des engagements de l'Etat hébreu, accords dont le respect est exigé des seuls Palestiniens. Selon des analystes américains, «il est très improbable qu'avec le Hamas au pouvoir dans les Territoires palestiniens, l'administration Bush s'oppose à la politique de retrait unilatéral du gouvernement israélien». C'est dire que les Etats-Unis, de même que l'Occident en général, avaliseront le fait accompli israélien et ne lèveront pas le petit doigt pour faire honorer par Israël ses engagements internationaux, y compris les accords d'Oslo. De fait, même le Quartette pour le Proche-Orient (USA, UE, ONU, Russie) censé être le médiateur entre Israël et les Palestiniens y va de ses menaces envers le Hamas, qui a prévenu jeudi, au moment où le gouvernement du Hamas prenait ses fonctions, qu'il «réduirait son aide financière» s'il ne reconnaissait pas Israël. Selon le communiqué diffusé jeudi, le Quartette est «d'accord qu'il y aura inévitablement un effet sur l'aide directe au gouvernement (palestinien) et à ses ministères». Ainsi, les pressions internationales sont à sens unique et concernent, dans tous les cas de figure, les seuls Palestiniens, jamais Israël qui, à l'évidence, est ainsi mise sur un piédestal la plaçant au-dessus des lois internationales auxquelles doit se plier tout autre pays ou entité. Cette levée de boucliers contre le Hamas a fait écrire, hier, au nouveau Premier ministre palestinien, Ismaïl Haniyeh, dans le quotidien londonien The Guardian, dans un article intitulé «Une bonne paix ou pas de paix» que les Palestiniens, «sont écoeurés et fatigués de l'approche raciste de l'Occident» face au conflit israélo-palestinien.