Le MRN repose sur les seules «prestations» du cheikh. La percée spectaculaire de Djaballah a été, trois jours après le «plébiscite» de son parti, avec 43 sièges dans la nouvelle Assemblée, diversement appréciée. Pour certains, il a bénéficié du jeu pas trop dilué et politicien du MSP et d'Ennahda, partis d'obédience fondamentalement religieuse, mais qui, après cinq années de pratique politique dans le gouvernement, la gestion des wilayas et des communes, se sont complètement transformés, devenant des partis semblables aux autres. D'autres ont avancé l'idée que le MRN a bien négocié l'adhésion des sympathisants de l'ex-FIS, en focalisant son attention sur les militants de base, et en tournant le dos aux leaders et à tous ceux qui peuvent constituer un problème juridique, qui peuvent, de par leur influence, noyauter le parti. D'aucuns, enfin, estiment que le plébiscite du MRN est une fin de non-recevoir pour le MSP et Ennahda, perçus par la base islamiste militante comme deux authentiques faire-valoir du pouvoir et, peut-être même, deux partis essentiels pour le maintien du jeu d'équilibre et des rapports de force au niveau de l'Assemblée et du gouvernement, mais qui restent, sur le plan strictement théologico-politique (mélange qui constitue la matière première aussi bien pour la composante et le programme du parti, qu'aux yeux de la base électorale) d'une inanité inacceptable. Voilà pour les trois «exégèses» les plus tenaces. Toutefois, il y a lieu de s'arrêter sur l'aspect du discours développé par le cheikh tout au long de la campagne électorale. Sans être aussi virulent que celui que l'ex-FIS développait il y a plus de dix ans, le langage de Djaballah est fait d'une seule pièce, de la même et unique coulée, sans demi-mesure, ni sous-entendus. Le discours du mouvement El-Islah est radical, sans être extrémiste. Il lacère le pouvoir et ses soutiens, l'opposition et même ses «ex-frères», les islamistes du MSP et d'Ennahda. Il milite toujours pour «une justice sociale et l'instauration d'un Etat islamique, démocratique et républicain». Il combat les laïcs, les communistes et les pseudodémocrates et ne s'en cache pas. Il stigmatise à tout vent ceux qui ont généré la crise algérienne avec des termes menaçants, tout en brandissant le poing pour appuyer ses propos. Le discours de Djaballah est très clair pour être trompeur. Nous avons bel et bien en face de nous un algérianiste avéré, dont le discours «fort en gueule», incisif et radical séduit les foules. Et c'est bien ce genre de discours qui a séduit les foules à la fin des années 80, un discours qui constituait un contrepoids à celui du pouvoir, et qui permettait en même temps aux milliers de jeunes de s'identifier à lui, et dans son contenu. Mais qu'on ne se trompe pas de cible. Le MRN repose sur les seules «prestations» du cheikh, et n'est comparable à celui du FIS sur aucune ligne. Disséminé dans quelques wilayas de l'Est et dans l'axe Médéa - Ksar El -Boukhari - Aïn Ouassara, le MRN représente un palliatif aux milliers de jeunes tentés par la radicalisation, un substitutif à leur hargne. Et la comparaison s'arrête là. C'est en cela que Djaballah peut être utile: il résorbe déjà une effervescence islamiste presque ahurie de le voir représenter en force à l'Assemblée. Un radical dans le futur gouvernement, c'est déjà ça. C'est comme une cohabitation avec un «FIS miniature». En format de poche.