Les résultats de la dernière élection présidentielle montrent que les Algériens ne soutiennent pas les islamistes. La rentrée politique de cette année n'aura pas réussi aux islamistes. La mise en oeuvre de la réforme de l'éducation et les amendements proposés au code de la famille constituent deux questions de fond qui vont à l'encontre de l'idéologie qu'ils servent et les obligent à sortir de leur gonds en criant au loup de «l'occidentalisation» de la société algérienne. Les déclarations répétées des leaders du courant islamiste en Algérie témoignent en fait d'une perte manifeste d'audience au sein des autorités centrales, bien qu'au plan du discours, l'on sent quelques nuances qui ne semblent avoir aucun effet sur le terrain des réformes. Il est clair, au vu de l'évolution de la situation politique dans le pays, que l'équilibre des forces ne profite manifestement pas aux islamistes. En fait, depuis l'ouverture démocratique à ce jour, la place de la mouvance islamiste dans le paysage politique national a connu plusieurs phases. De 1988 à l'arrêt du processus électoral en janvier 92, la famille islamiste s'est illustrée par une popularité certaine qui l'a propulsée de fait au rang de première force politique du pays. Les démonstrations de force de l'ex-FIS renseignaient, à l'époque, sur l'impact du discours islamiste radical sur les foules qui accréditaient le parti dissous d'une confiance quasi absolue. Les actions du parti dissous étaient, rappelons-le, dirigées dans le sens d'une plus forte présence de la religion dans la gestion des affaires publiques. Il était même question d'adopter un régime proche de celui des taliban en Afghanistan. L'islamisme modéré, représenté par le défunt Mahfoud Nahnah, ne trouvait qu'un faible écho au sein d'une jeunesse littéralement envoûtée par les prêches incendiaires de Ali Benhadj. L'entrée de l'Algérie dans un cycle de violence sans précédent, mené par les tenants de la ligne dure de l'islamisme algérien, rendus de facto interdits de manifestations publiques, a permis l'émergence sur la scène politique d'un discours plus nuancé et surtout moins virulent qui prône «un intégrisme à visage humain», pourrait-on dire. Conduite par le parti Hamas, la nouvelle tendance de l'islamisme algérien a su récupérer les déçus de l'ex-FIS et se tailler de fait, une place de choix dans le paysage politique national. Très bien représenté au parlement et au pouvoir local à l'occasion des législatives et municipales de 1997, le courant islamiste modéré n'a pas résisté à la tentation d'entrer au gouvernement, hypothéquant par là même, ses chances de maintenir en l'état la popularité qu'il avait acquis, à force de travail en profondeur, dans la société. Cependant, cette crainte était quelque peu nuancée pas le fait que le projet de société était encore en débat et les démocrates n'avaient, pour ainsi dire, aucune prise sur le pouvoir. Mais l'entrée du MSP (ex-Hamas) au gouvernement a provoqué la naissance d'un autre courant à cheval entre le radicalisme de l'ex-FIS et la modération du MSP. Conduit par Abdallah Djaballah, le MRN a réussi une percée remarquable au parlement, en s'imposant comme première force islamiste du pays. Cependant, cette présence non négligeable dans les institutions de la République n'a pas été suivie d'une influence sérieuse sur les centres de décision qui ont mis le cap sur des réformes de type moderniste, reléguant de fait le projet islamiste dans une opposition sans effet. Les résultats de la dernière élection présidentielle ont largement montré que les Algériens ne soutiennent pas le discours des islamistes, même s'ils leur accordent quelque crédit dans la gestion des affaires publiques.