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La traque du crime génocidaire
DE NUREMBERG AU TSSL
Publié dans L'Expression le 04 - 04 - 2006

L'histoire humaine a été marquée tout au long des siècles par ce qu'il est convenu d'appeler génocides et crimes contre l'humanité.
Lutter contre ce fléau a été, et est en fait, une gageure difficile à tenir, d'autant plus que ce sont les Etats, généralement, les dictatures, singulièrement, qui sont responsables de ces crimes collectifs -crimes de guerre, crimes contre l'humanité, génocides - qui restent, ou sont restés, impunis. C'est notamment le cas, particulièrement pour les crimes contre l'humanité qu'Israël a commis en 1947/1948 (Kafr Kassem, Deir Yassine) et continue à commettre (cf ; les assassinats ciblés de dirigeants et personnalités palestiniens), crimes pour lesquels l'Etat hébreu n'a jamais eu à répondre.
Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, et le jugement des officiers nazis allemands, la communauté internationale a tenté de s'organiser afin que de tels forfaits ne se reproduisent plus sur notre planète. Aussi, des cours et tribunaux chargés de juger de tels délits -dont le tout premier a été celui de Nuremberg qui jugea les crimes nazis- ont été institués lors de la seconde moitié du XXe siècle, dont les plus importants restent les tribunaux spéciaux pour le Rwanda (plus de 800.000 morts lors des guerres 90/94) et celui pour l'ex-Yougoslavie. Mais il faudra attendre 2002, pour voir la création d'une cour pénale internationale, CPI, chargée précisément de juger les crimes de guerre, crimes contre l'humanité et les génocides.
Toutefois, du fait même que la plus grande puissance mondiale, les Etats-Unis, n'adhère pas à la CPI et ne reconnaît pas ses prérogatives, la Cour pénale internationale est frappée de caducité, la justice continuera à se pratiquer à deux vitesses, le jugement rendu selon que tu sois blanc ou noir, riche ou pauvre, puissant ou faible comme le dit l'adage. Ainsi, des Etats, comme Israël, continueront à échapper à la justice dite internationale dont la Cour pénale internationale devait en être le principe. Ceci dit, à l'exception significative du tribunal de Nuremberg - composé des représentants des pays vainqueurs de la guerre de 39/45 (USA, Urss, Grande-Bretagne et France) qui a jugé de novembre 1945 à octobre 1946, 22 dignitaires de l'Allemagne nazie pour crimes commis sur leur ordre - et de Tokyo - qui eut à juger, entre mai 1946 et novembre 1948, 25 généraux et ministres japonais pour leur implication dans les crimes commis lors de la guerre du Pacifique - il n'y eut plus par la suite de telles cours alors même que les crimes coloniaux et les génocides en Afrique, en Asie et en Amérique latine appelaient à leur institution.
En fait, il fallut attendre la fin des années 90 - l'effondrement du bloc communiste aidant - pour que la communauté internationale songe -pas toujours sans arrière-pensées- à ne plus laisser impunis les crimes de guerre et contre l'humanité dont se sont rendu coupables les dictateurs et autres « hommes forts » qui se sont appropriés les pays de l'hémisphère Sud, souvent avec l'accord tacite -quand il ne sont pas protégés- des grandes puissances qui avaient beaucoup à gagner face à des peuples dociles tenus en laisse. Aussi, la lutte contre ce genre de crimes est récente et la « longue » traque contre le crime génocidaire reste sélective car elle ne touche pas tous les pays de la même manière, Washington - suivi en cela par Israël - exige en effet que ses nationaux -quels que soient les crimes dont ils se seraient rendu coupables- n'aient pas à connaître les tribunaux de la CPI.
En réalité, à l'exception du tribunal spécial pour le Rwanda créé par l'ONU en 1994 (Tpir, qui siège à Arusha en Tanzanie) et le Tssl pour la Sierra Leone (dont le siège se trouve à Freetown) les tribunaux spéciaux créés ces dernières années auront surtout concerné des chefs d'Etat - anciens dictateurs à l'instar de Slobodan Milosevic (mort le 11 mars dernier dans sa cellule de la prison de La Haye), Saddam Hussein, jugé à Baghdad par le Haut tribunal pénal irakien, Htpi, voire l'ancien dictateur chilien, Augusto Pinochet, actuellement assigné à résidence à Santiago- tombés en disgrâce après avoir rendu d'immenses services à ces mêmes Occidentaux qui veulent aujourd'hui être leurs juges. Faut-il aussi rappeler le cas de l'ancien président du Panama, ancien agent de la CIA, Manuel Noriega, kidnappé en 1989 dans son palais à Panama-City par des marines américains et jugé aux Etats-Unis comme un vulgaire narcotrafiquant ? Le cas de l'ancien président et chef de guerre libérien, Charles Taylor, présenté hier devant ses juges, est différent ; celui-ci n'ayant pas frayé avec les puissances occidentales contrairement à ses illustres collègues de Baghdad, Belgrade et Santiago.
En fait, les jugements des crimes de guerre et crimes contre l'humanité se font au cas par cas, obéissent à des rapports de force et surtout se heurtent aux réticences de pays concernés comme en attestent les longues négociations entre l'ONU et le Cambodge pour arriver à la création d'un tribunal paritaire (moitié juges cambodgiens et moitié juges désignés par l'ONU) qui aura à juger les crimes des Khmers rouges au Cambodge entre 1975 et 1979 (près de 2 à 3 millions de personnes ont été tuées par les troupes sanguinaires de Pol Pot, selon les estimations des ONG internationales). Aussi, ce n'est pas demain que les crimes de guerre et contre l'humanité seront jugés de manière impartiale devant un tribunal mondial, ou que des criminels, quelle que soit leur notoriété, auront à répondre de leurs actes devant ce même tribunal mondial.
Comment peut-il en être autrement lorsque des pays se sont placés d'emblée au-dessus du droit et des lois internationaux et dénient à la Cour pénale internationale de juger leurs ressortissants, comme c'est le cas pour les Etats-Unis?


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