Malheur des uns, bonheur des autres. Des centaines de milliers de malades contaminés par le coronavirus espèrent, au plus tôt, un remède. Dans les laboratoires, le «fameux» remède fait l'objet d'une course contre la montre. Sauf que dans cette course, les participants ne partent pas unis même si quelques initiatives multilatérales existent. Mais elles sont faibles. Les annonces se multiplient. En tout, 10 vaccins à travers le monde sont actuellement au stade de la recherche le plus avancé, la phase 3, où leur efficacité est mesurée à grande échelle sur des dizaines de milliers de volontaires. Entre les candidats vaccin CoronaVac du laboratoire chinois Sinovac Biotech, le russe Spoutnik V, et de l'américain Pfizer et son partenaire allemand BioNTech, la guerre fait rage. Dès l'annonce de l'efficacité à 90% contre les infections contre le Covid-19, Pfizer croule sous les commandes. C'est ainsi que les Américains ont précommandé 100 millions de doses, alors que l'Union européenne a préacheté 200 millions de doses et négocie pour 100 millions d'autres. Outre BioNTech-Pfizer, l'UE a également conclu des accords préliminaires avec l'allemand CureVac et l'américain Moderna. D'autres pays -Japon, Canada, Royaume-Uni...- ont également passé commande auprès de Pfizer et la demande initiale est assurée de dépasser l'offre, Pfizer prévoyant de pouvoir fabriquer 50 millions de doses en 2020 et 1,3 milliard l'an prochain. Des chiffres, et des maux. Le virus tue mais le vaccin rend fou. Normal, ce sont des milliards de dollars d'investis avec l'espoir d'un retour d'échos positifs. L'enjeu en vaut la chandelle, d'autant que le patriotisme est vide de sens dans l'industrie pharmaceutique, au même titre que les... sentiments. L'ancien président américain Donald Trump n'a-t-il pas offert à la société pharmaceutique CureVac un milliard de dollars pour que son vaccin soit destiné exclusivement aux Etats-Unis. Une offre déclinée par l'entreprise qui s'est vue attribuer une aide de 80 millions d'euros de l'Union européenne pour accélérer ses recherches. Dans cette guerre, les programmes évoluent de manière parallèle, mais avec trop peu d'échanges sur les connaissances et leurs avancées respectives. Ainsi, malgré les discours sur la nécessité de considérer les futurs vaccins contre le Covid-19 comme «biens communs de l'humanité», chacun sécurise ses futurs approvisionnements et fait des paris. En effet, l'urgence sanitaire ne cesse de donner lieu à une intense bataille entre les acteurs de la pharmacie, quelle que soit leur taille. Entre guerre scientifique, économique et... géopolitique, il n'y a qu'un entrefilet. Ne dit-on pas que «celui qui détient l'information, détient le pouvoir. Celui qui l'entretient, détient le monde». L'annonce de Pfizer a fait jaillir instantanément l'irrationalité des marchés boursiers. Annonce sanitaire, réaction financière, enthousiasme médiatique, des dessous géopolitiques... Une chose est certaine: nul ne peut véritablement avancer avec certitude une date précise de la mise à disposition «pour tous» d'un vaccin. De ce fait, la bataille risque d'être rude, selon les sphères d'influence des producteurs de vaccins. Question de forces. L'accès rapide à un vaccin, dès qu'il sera mis au point, devient ainsi aussi bien un enjeu politique que sanitaire, tant l'ampleur des tensions qui auront lieu dans le monde le jour où une immunisation sera mise sur le marché, n'est plus à quantifier ni à qualifier. Une tension qui sera générée par les capacités de production mondiales, évaluées de 3 à 4 milliards de doses d'ici à la fin de 2021, selon une étude de la Cepi (Coalition pour la préparation aux épidémies). Par ailleurs, le volume des réservations déjà passées par un petit club de pays riches (USA, Royaume-Uni, UE, Japon, Australie...) est de 5 milliards de doses selon la Fédération internationale des fabricants (lfpma). Et même si le précieux sérum était disponible, la victoire ne serait pas encore à portée de main. Ce n'est que la partie émergée de l'iceberg. Fournir assez de seringues, de fioles et de flacons pour pouvoir l'administrer, mais aussi des moyens de transport à travers le monde et assez de congélateurs pour qu'il le soit de façon adéquate, est l'autre bataille à laquelle il faudra se préparer.