Le désespoir, la dépression nerveuse, la drogue, les échecs scolaires, les déceptions affectives, l'oisiveté, les troubles mentaux (qui sont pour les chimistes une mélancolie absolue qui déclenche l'auto-accusation, la honte, la culpabilité et le rejet de soi- même en tant qu'être social) résument les principaux facteurs qui mènent droit au suicide. Ce phénomène qui s'inscrit dans un cadre social, est un acte exclusivement humain, considéré comme incontrôlable. Il se résume au fait de se donner volontairement la mort. Sa dimension est universelle et il est vécu comme un véritable drame, sachant que personne n'est à l'abri de ce genre de tragédie. Comme dans le monde entier, le suicide est un fait réel en Algérie, notamment à l'est du pays. Chaque jour, les services de la Protection civile, qui sont toujours les premiers à être sur les lieux du drame, enregistrent pratiquement, un suicide par jour à Annaba, Constantine, Jijel, Béjaïa et autres wilayas. Le dernier acte de suicide a été enregistré à El Milia, wilaya de Jijel. Il remonte à quelques jours seulement. Selon des statistiques, rien qu'à Constantine, les services de la Protection civile ont enregistré pas moins de 28 cas et tentatives de suicide, dont 19 ont pu être sauvés. Les victimes sont généralement âgées de 14 à 52 ans. Si à Annaba, Jijel, Skikda, Khenchela, Batna et Tébessa les sujets préfèrent la pendaison, à Constantine, les suicidaires, choisissent la chute par le pont de Sidi M'cid dont la hauteur est de plus de 100 m. Ce pont est appelé aujourd'hui «le pont des suicidaires». Le choix de la chute est plus sûr pour les sujets qui veulent aboutir à un résultat positif. Dans les rapports des services de la Protection civile, les suicidaires attendent que le trafic routier soit moins dense et l'absence des passants pour s'exécuter. Selon ce même rapport, le taux des suicidaires de sexe féminin a atteint les 35,71%. Les victimes sont généralement issues de familles dont les conditions sociales sont modestes et pour lesquelles les pressions de la société sont vécues comme un désespoir. D'après des spécialistes (psychologues, psychiatres et sociologues) l'arrivée des grandes chaleurs est le moment propice pour les suicidaires, qui coïncide avec la période des examens de fin d'année. Souvent ce sont les lycéens qui préfèrent donner rendez-vous à la mort plutôt que d'affronter les échecs. Par contre, selon les rapports des services de la Protection civile, il a été révélé, que la plupart des cas sont enregistrés durant le mois de septembre. Les rapports ajoutent que les tentatives de suicide occasionnent des handicaps à vie au sujet. Malgré que cet acte est interdit dans toutes les religions du monde, il demeure néanmoins une issue pour fuir les pressions qu'exercent la société et l'entourage familial sur un individu. Sur ses faits et causes, nous avons interrogé plusieurs spécialistes ; ces derniers sont tous d'accord pour partager le concept que le suicide est défini comme un acte altruiste, selon Durkheim. C'est une forme essentiellement développée dans les pays où la société est très conservatrice. L'autre forme est un acte d'égoïsme. Celui-là provient d'une carence de biens sociaux, des pressions poussées qui conduisent au repli de l'individu sur lui-même et se donne la mort, puisqu'il sera parfois incapable de trouver des motifs d'existence. Il ressort des expériences de nos interlocuteurs, qu'à Constantine et à l'instar des autres wilayas, le taux de suicide des célibataires est nettement plus élevé, mais on n'exclut pas que le mariage préserve du suicide puisqu'avec la famille, c'est l'intégration dans le groupe. Cette montée du suicide chez les jeunes a poussé plusieurs organisations à tirer la sonnette d'alarme et elles ont noté que les moyens de suicide varient entre les hommes et les femmes. D'une manière générale, nos interlocuteurs soulignent que les sujets de sexe masculin choisissent souvent l'arme à feu ou la pendaison (cette dernière méthode est la plus utilisée dans notre pays, particulièrement dans les douars les plus reculés). Les femmes recourent dans la plupart des cas aux produits chimiques et la chute volontaire. C'est d'ailleurs la méthode la plus utilisée à Constantine. Il y a quelques années, le suicide d'une adolescente (dont la famille est très connue à Constantine), Ines, a choqué toute la population. Elle avait à peine 16 ans, elle était très belle, pleine de vie et aimée de tout son entourage. Malgré le fait d'être issue d'une famille ne manquant de rien et très studieuse, cette jeune fille s'est donnée la mort volontairement, en se jetant du pont de Sidi M'cid. Elle emportera avec elle le secret qui l'a poussée à cet acte. A l'époque, on avait beau chercher la raison en vain. Beaucoup de son âge ont agi, depuis, de la même façon. Aucune personne ayant tenté de mettre fin à sa vie n'a voulu répondre ou témoigner, sauf cet homme, d'une cinquantaine d'années. Il avait avalé une forte dose de calmants et a été sauvé miraculeusement. La première fois c'était durant les années 90, puis en 2000. «Je n'avais plus aucune envie de vivre, aucun espoir, après la mort du petit frère, mon père un mois après, et avant eux l'assassinat de mon cousin par des terroristes, et après le décès de ma mère, rien ne me retenait plus à cette vie. Pourtant j'ai une femme exemplaire et des enfants très loyaux, je les ai perturbés et je le regrette. Je voulais vraiment atteindre mon but et en finir avec cette vie, surtout que le contexte social était décevant, je n'arrivais pas à assumer les dépenses. Franchement, la mort me semblait être la seule solution et l'apaisement à mes souffrances. C'est égoïste, pourtant je suis très croyant, mon acte était incontrôlable et stupide. Par deux fois, j'ai tenté de mettre fin à ma vie et par deux fois j'ai été sauvé par miracle. J'ai compris que Dieu m'a épargné cette fin pour des raisons que lui seul connaît, et j'ai demandé pardon à mon épouse et mes cinq enfants qui sont ma fierté aujourd'hui.» Au fait, personne ne peut réellement identifier l'ensemble des facteurs qui mènent au suicide. On souligne selon des études, que 75% des personnes décédées par suicide au niveau des wilayas du pays, ont, d'une manière directe ou indirecte, annoncé leur désir de mourir tout en affichant le désespoir. Il ressort également de certaines études établies que toute tentative de suicide est un appel de détresse.