L'enquête a montré que l'écrasante majorité (76,5%) considère que les privilégiés sont prioritaires devant le système des soins. Un enseignant de l'Université d'Alger, M.Larbi Icheboudène, également directeur de recherche au Cread, a livré à Oran, à l'occasion d'un récent colloque international sur le thème Famille et santé: regard des sciences sociales, les conclusions d'une enquête menée sur «les mutations urbaines et stratégies d'accès aux soins» auprès de 1098 sondés (818 malades et 280 médecins) au niveau des structures sanitaires d'Alger. Les réponses et les réactions des enquêtés résultent des pratiques peu admissibles mais souvent observables partout dans le domaine de la santé à l'occasion de la relation d'accès aux soins. Certains comportements subis par les malades ne manquent pas de provoquer des réactions qui dénoncent, avec un langage de condamnation, les pratiques à l'origine de privilèges, de piston, de priorité, bref de ségrégation et d'inégalité à l'accès à la santé, fait constater l'universitaire. L'enquête a montré que l'écrasante majorité (76,5%) considère que les privilégiés sont prioritaires devant le système des soins. Ils sont 78,9% à dénoncer cette réalité et affirment que les plus démunis subissent les formes de ségrégation pour accéder aux soins dans des conditions aussi épuisantes que leur pathologie. D'autre part, une bonne majorité des sondés (64,4%) se dit obligée de recourir à des pratiques de ruses et biais divers d'accès facile, soit subir la bureaucratie et lutter à chaque fois pour les démarches, les rendez-vous hospitaliers. 5,6% déclarent accéder aisément aux soins par leur appartenance aux familles de médecins, 25,9% le font grâce à des positions de statut et au réseau important de connaissances. Pour leur regard sur le système de santé, 37,5% le trouvent médiocre, 34,1% le qualifient de système de piston et d'injustice, 12,2% le trouvent «à améliorer», 10,5% le considèrent comme un système qui «marche». Les personnes sondées se montrent encore plus critiques à l'égard de leur praticien. A la question : «Sentez-vous que votre médecin est proche de votre souffrance?», 44,3% répondent négativement. Ils ne se sentent convaincus ni de la compassion ni de la compréhension de leur médecin. Ce dernier doit faire preuve selon les malades, de «communication, d'écoute et de compétence» (74,7%), de «communication et de respect du malade» (22,1%) et enfin de «bon diagnostic pour soulager et guérir» (21,4%). Malheureusement, la réalité est loin d'être conforme à toutes ces attentes, puisque dans les hôpitaux et structures sanitaires publics, très sollicités par les malades, les médecins se contentent d'ausculter le malade et ne jugent pas, faute de temps, nécessaire d'écouter leurs malades et de communiquer avec eux. Le regard des gens sur leur maladie diffère d'un cas à un autre. 55,26% expliquent leur mal par «El mektoub», 17,68% invoquent la destinée, 16,30% la fatalité et seuls 17,68% l'attribuent à la précarité de l'existence. Les motifs de négligence de la santé sont expliqués par la pauvreté et les difficultés de la vie (51,84%), l'ignorance et l'absence d'éducation sanitaire (28,48%) et enfin les conditions d'habitation (7,83%). Cette enquête présentée en détail, lors du colloque international d'Oran, même si elle est limitée à la seule agglomération algéroise, reste valable et «généralisable» à toutes les régions du pays. L'accès aux soins est une garantie constitutionnelle. Mais la réalité est tout autre car, finalement, ce sont les catégories les plus aisées qui profitent des prestations du service public grâce aux réseaux de connaissances et aux passe-droits. Les couches démunies ont tendance à se laisser aller dans la maladie ou carrément à s'endetter encore davantage pour pouvoir payer le prix d'une visite chez un privé. Pour vérifier la réalité de ces situations, il suffit de faire un tour dans les hôpitaux et voir quelle tête se «tapent» les malades...