Tout le monde convient que les effectifs d'étudiants se sont accrus de façon vertigineuse ; d'ailleurs les prévisions du ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique vont dans ce sens et tablent sur l'accueil d'un million d'étudiants à l'horizon 2008. Sur le plan des infrastructures, cela s'est traduit par un accroissement relativement substantiel du nombre des universités, des centres universitaires et des grandes écoles, à l'échelle du territoire national. Le colloque international sur “savoir et société”, organisé par le Centre de recherche en économie appliquée et en développement (Cread), à Alger, s'est exprimé hier sur le sujet. D'après des intervenants, la dispersion spatiale des universités “n'obéit pas à des critères scientifiquement étudiés”, au détriment de “la demande locale et des aspects pédagogiques”. Même la répartition des disciplines, particulièrement des sciences sociales, “ne semble pas répondre à des besoins de demande régionale sur la formation”, selon eux. Concernant les échanges du savoir, une participante a plaidé pour un partenariat capable de créer une “valeur ajoutée” aux activités pédagogiques et permettant “l'évolution des mentalités” des jeunes générations, ainsi que le recul des “préjugés” chez les Européens et les Méditerranéens. Elle s'est montrée favorable à la “circulation internationale des étudiants des pays du Sud”, laissant entendre que cette démarche contribuera à sortir de “la logique de puissance, de domination”. De son côté, Fatma Oussedik, chargée de recherche à l'université d'Alger et membre du Cread, s'est félicitée des “réflexions nouvelles” dans le discours politique algérien, en citant la formule des pôles d'excellence. Mais, cette nouveauté interpelle, selon elle, “le statut du savoir dans la société (…), la place que les universités algériennes occupent dans la société, dans la mondialisation et dans la division internationale du savoir”. Mme Oussedik a rappelé les conditions antidémocratiques dans lesquelles se sont réalisées les réformes de l'enseignement supérieur (1971, 1989 et actuellement), en considérant que l'université a été soumise à des “objectifs idéologiques et politiques”, et que le marché national du travail “accorde une valeur bien plus grande aux diplômes acquis à l'étranger”. L'intervenante a, en outre, signalé le problème de la langue arabe, ayant “empêché tout débat sur les contenus de formation” et “entraîné une rupture dans la transmission des savoirs”, ainsi que celui de la non-maîtrise des langues étrangères. Non sans noter que la politique des pôles d'excellence doit trouver sa place dans le cadre d'un “projet de société”. Le colloque international d'El-Hamma a tenté, pendant trois jours, d'explorer un sujet, celui de la société du savoir. Malgré les nombreux exposés, la rencontre a permis de saisir l'enjeu autour du savoir, dans le nouveau contexte de mondialisation, et du rôle essentiel de l'élite. Elle a aussi touché du doigt “le mal profond” qui ronge, depuis deux décennies, l'université algérienne. Une université “dévalorisée”, où l'enseignant et l'enseignant-chercheur sont encore au stade de quémander des augmentations de salaire, un statut particulier, un logement décent, etc. Comment en sommes-nous arrivés là ? Pour bon nombre de participants, “le problème est plus profond” et renvoie à la nature “rentière” du système actuel qui, pour des raisons d'intérêts étroits, “ne veut pas céder et (qui) a peur des changements”. H. Ameyar