Les signataires de l'accord sur le nucléaire iranien se retrouvaient hier pour tenter de calmer le jeu dans l'attente d'une nouvelle administration américaine, alors que l'Iran se voit reprocher de s'éloigne toujours plus de ses engagements. Cette réunion, initialement prévue à Vienne, se déroule virtuellement pour cause de pandémie de Covid-19. Elle a débuté à 10h00 GMT en présence des parties prenantes (Chine, France, Allemagne, Russie, Royaume-Uni et Iran), sous la houlette de la diplomate allemande Helga Schmid, secrétaire générale du Service européen pour l'action extérieure.»Les discussions vont se focaliser sur comment préserver l'accord nucléaire et garantir sa mise en oeuvre complète et équilibrée», a écrit l'ambassadeur russe Mikhail Ulyanov sur son compte Twitter. En eaux troubles depuis le retrait américain en mai 2018 du pacte JCPoA, conclu à Vienne trois ans plus tôt, et le rétablissement de sanctions économiques par les Etats-Unis, le dossier iranien connaît de nouveaux soubresauts depuis l'assassinat fin novembre d'un éminent physicien nucléaire iranien, Mohsen Fakhrizadeh. Ces dernières semaines, Téhéran a durci sa position. Au point que début décembre, Paris, Londres et Berlin ont exprimé leur «profonde préoccupation» face à l'installation de trois nouvelles cascades de centrifugeuses avancées d'enrichissement d'uranium à Natanz (centre de l'Iran). Les trois pays se sont aussi alarmés de l'adoption par le Parlement iranien d'une loi controversée sur la question nucléaire qui, si elle était promulguée, signerait probablement la mort de l'accord. Selon les médias locaux, le texte enjoint le gouvernement de prendre immédiatement des dispositions pour produire et stocker au «moins 120 kilogrammes par an d'uranium enrichi à 20%» et l'appelle à «mettre fin» aux inspections de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA). La Russie a de même appelé l'Iran à faire preuve d'un maximum de «responsabilité» et à ne pas tomber dans la «surenchère». Pour les signataires de l'accord, l'enjeu est donc de rappeler Téhéran à l'ordre. «C'est l'occasion de dire de vive voix aux Iraniens d'arrêter de contrevenir à l'accord», avance un diplomate, et de ne pas gâcher l'occasion d'un retour à la diplomatie avec l'arrivée de Joe Biden à la Maison-Blanche. La réunion «intervient à un moment qui n'est pas le meilleur», poursuit cette source, car c'est l'expectative côté américain, à quelques semaines de l'investiture de Joe Biden. Le vainqueur de la présidentielle américaine a confirmé sa volonté de revenir dans le giron de l'accord de Vienne, mettant en garde contre une course à la bombe atomique au Moyen-Orient. Mais il n'a rien révélé sur sa stratégie. Dans un discours lundi à Berlin, le chef de la diplomatie européenne Josep Borrell a appelé à poursuivre le travail «pour maintenir en vie le JCPoa» (Joint comprehensive plan of action). «Cet accord est la seule manière d'éviter que l'Iran ne devienne une puissance nucléaire», avait-il insisté quelques jours plus tôt, disant préparer une réunion des ministres des pays signataires «avant Noël». A ce stade, malgré les crispations politiques, «la coopération se déroule normalement» sur le terrain, selon le diplomate. Le président iranien Hassan Rohani, opposé au texte de loi voté par les députés conservateurs, multiplie pour sa part les signaux d'ouverture à l'attention du prochain gouvernement américain. Dès que les sanctions économiques seront levées, «nous reviendrons aussi à tous les engagements que nous avons pris», a-t-il récemment déclaré, invitant Joe Biden à ouvrir une nouvelle page en revenant à la «situation qui prévalait» avant la présidence de Donald Trump, qui avait décidé de se retirer de l'accord.