Des efforts diplomatiques européens pour la préservation de l'accord nucléaire iranien conclu à Vienne en 2015 ont été engagés sur fond de tensions régionales. Cette mobilisation européenne intervient au lendemain de l'annonce par l'Iran de produire de l'uranium enrichi à au moins 4,5%, de la limite fixée dans l'accord sur son programme nucléaire, mettant en garde les Européens contre toute "escalade" dans leur réaction aux mesures prises par Téhéran. L'Union européenne (UE) a appelé l'Iran à "cesser et à revenir" sur ses activités qualifiées de "contraires" aux engagements pris dans le cadre de l'accord, soulignant qu'elle était "très préoccupée". Le président français Emmanuel Macron qui avait annoncé samedi vouloir "explorer d'ici au 15 juillet les conditions d'une reprise du dialogue avec toutes les parties", a dépêché mardi et mercredi, à Téhéran son conseiller diplomatique, Emmanuel Bonne, "pour assembler les éléments d'une désescalade avec des gestes qui doivent être faits immédiatement avant le 15 juillet", selon la présidence française. A propos de ce déplacement, le porte-parole de la diplomatie iranienne a déclaré que "nous prenons des mesures conformément à la lettre du président aux chefs de gouvernement des partis restants du Plan d'action global commun (JCPoA) et au Conseil suprême de sécurité nationale. Si les pays européens sont soucieux de préserver l'accord nucléaire, ils doivent prendre des mesures concrètes". "Cependant, nous leur disons qu'ils sont les bienvenus s'ils souhaitent venir visiter pour prendre des photos ou pour le plaisir de la visite", a-t-il ajouté. Suite à l'annonce par la République islamique d'Iran, de l'augmentation de l'enrichissement d'uranium au-delà de la limite de 3.67% fixée dans l'accord en riposte au durcissement des sanctions américaines, le porte-parole de l'Organisation iranienne de l'énergie atomique (OIEA), Behrouz Kamalvandi, a précisé que l'enrichissement d'uranium est passé depuis lundi, de 3,67% à 4.5%. Le porte-parole a affirmé que la décision avait été prise, "après un an de patience et lorsque les autres parties signataires de l'accord avaient failli à leurs obligations", soulignant toutefois que l'Iran avait "pris en compte des mesures" lui permettant de revenir techniquement aux conditions antérieures si les demandes du pays étaient réalisées. Téhéran avait donné dimanche, 60 jours aux partenaires de l'accord pour répondre à ses demandes sous peine de voir l'Iran s'affranchir d'autres engagements, et "toutes les options" seront sur la table au bout de ce délai, a dit le porte-parole des Affaires étrangères Abbas Moussavi, y compris une sortie de l'accord et du Traité de non-prolifération nucléaire (TNP). M. Moussavi a adressé le lendemain, une mise en garde à Paris, Londres et Berlin.
Attachement aux obligations De son côté, la Russie a affirmé par la voie de son ministère russe des Affaires étrangères, que "la mise en œuvre durable et à long terme de l'accord de 2015 sur le nucléaire iranien ne survivra que si chacune des parties demeurait pleinement attachée à ses obligations", rappelant que la situation actuelle "exige" que tous les signataires fassent tous les efforts pour "préserver l'accord" qui a contribué à la paix et à la sécurité internationales ainsi qu'à la non-prolifération des armes nucléaires. La diplomatie russe a indiqué que la déclaration faite par l'Iran de s'affranchir des autres obligations du JCPoA ne doit pas provoquer la "panique", appelant toutes les parties à rester pleinement attachées à leurs obligations afin d'assurer la survie de la mise en œuvre durable et à long terme de l'accord de 2015 sur le nucléaire iranien. A Pékin, un porte-parole du ministère des Affaires étrangères a estimé que "la pression maximale" des Etats-Unis sur l'Iran était "la source de la crise nucléaire iranienne". Le président américain Donald Trump, s'est entretenu au téléphone avec M. Macron, "des efforts en cours pour s'assurer que l'Iran ne se dote pas de l'arme nucléaire et pour mettre fin au comportement "déstabilisateur" de l'Iran au Moyen-Orient", selon la Maison Blanche, alors que son chef de la diplomatie Mike Pompeo avait quant à lui promis dimanche à l'Iran "plus d'isolement et de sanctions". Le ministre iranien des Affaires étrangères Mohammad Javad Zarif a de nouveau accusé Washington lundi de "terrorisme économique", prévenant que les sanctions ne parviendraient pas à contraindre l'Iran à négocier un nouvel accord. Appelé "Plan d'action global commun", l'accord sur le nucléaire iranien, avait été signé à Vienne le 14 juillet 2015 par l'Iran, l'Allemagne, la Chine, les Etats-Unis, la France, le Royaume-Uni et la Russie. Il avait pour objectif d'empêcher Téhéran de se doter de l'arme nucléaire en échange de la levée d'une partie des sanctions économiques internationales visant le pays. Le 8 mai 2018, Donald Trump avait annoncé que Washington se retirait de l'accord, avant de signer un décret réinstaurant un certain nombre de sanctions anti-iraniennes, en affirmant chercher à imposer une "pression maximale" sur la République islamique pour renégocier l'accord en question.
Une réunion urgente Les chefs de la diplomatie des trois pays européens signataires de l'accord sur le nucléaire iranien - Allemagne, France et Royaume-Uni - et de l'Union européenne ont de nouveau exprimé mardi leur préoccupation face au dépassement par Téhéran du seuil limite d'enrichissement d'uranium et souhaité la réunion en urgence d'une commission conjointe. Dans un communiqué, les trois ministres et la Haute-Représentante de l'UE déplorent que l'Iran se soit soustrait à certains de ses engagements dans le cadre du Programme d'action global commun (PAGC ou JCPOA, en anglais), en réaction au retrait des Etats-Unis de l'Accord de Vienne de 2015 et au rétablissement des sanctions économiques le visant. L'UE avait déjà déploré lundi le dépassement par Téhéran du seuil maximal d'enrichissement d'uranium et appelé la République islamique à respecter ses engagements. "L'Iran a déclaré qu'il voulait rester dans le cadre du JCPOA. Il doit agir en conséquence en revenant sur ces activités (d'enrichissement d'uranium,) et en se conformant de nouveau pleinement et sans délai au JCPOA", insistent les trois ministres des Affaires étrangères et la Haute-Représentante de l'UE. Pour éviter une fuite en avant, les Européens demandent la convocation en urgence d'une commission conjointe qui permettra de discuter des questions liées à la mise en œuvre de l'accord signé de 2015. "Nous appelons toutes les parties à agir de manière responsable en vue de contribuer à la désescalade des tensions", concluent-ils. Le chef de la diplomatie iranienne, Mohammad Javad Zarif, a une nouvelle fois imputé mardi la crise actuelle au Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu et au conseiller à la sécurité nationale de la Maison blanche, John Bolton, deux "faucons" que le président iranien Hassan Rohani qualifie régulièrement d'"équipe B" qui serait à la manœuvre pour pousser Donald Trump à entrer en guerre.