Quelle est la mission des médiateurs de la République? Quelles sont leurs pouvoirs ainsi que leurs obligations? Dix mois après la création de cette instance par le président de la République, Abdelmadjid Tebboune, son rôle reste flou, notamment au niveau des délégations régionales! «Le délégué au niveau local n'est ni wali ni un juge chargé de rendre justice, ou un avocat chevronné ni encore moins un simple fonctionnaire», a précisé, jeudi dernier à Alger, le Médiateur de la République, Karim Younes. «Il serait, en fait, tantôt facilitateur et réconciliateur entre les parties, tantôt conseiller», a-t-il ajouté devant un parterre de délégués venus des quatre coins du pays pour assister à un séminaire national de deux jours intitulé «Le médiateur de la République... missions et perspectives», au Centre international des conférences Abdelatif Rahal (Alger). En fait, l'ex-coordinateur du Panel de dialogue et de médiation a rassemblé tous ses collaborateurs, afin de leur définir leurs missions et prérogatives. Ainsi, celui à qui le président Tebboune a donné le titre de ministre d'Etat pour pouvoir jouer son rôle comme il se doit, a insisté sur l'indépendance et la neutralité des médiateurs. «Ce sont là les qualités principales d'un bon médiateur de la République», a-t-il soutenu. «Notre instance, qui faut-il le préciser, est indépendante et placée auprès du président de la République, afin d'accompagner et faciliter toute mesure garantissant les droits des citoyens», a-t-il souligné sous un tonnerre d'applaudissements. «Elle est indépendante du citoyen et des pouvoirs législatif, exécutif et juridique», a-t-il expliqué, non sans insister sur le fait qu'elle puise sa législation de la feuille de route tracée par le président de la République. «Indépendance et neutralité». L'ex-président de l'APN a ensuite défini ce rôle dans une petite phrase, mais ô combien révélatrice! «Notre rôle consiste à assister les citoyens dans le règlement des différends entre eux et l'administration dans le cadre de la protection de leurs droits et libertés», a-t-il précisé en assurant que la médiation devrait promouvoir les droits des citoyens. Dans ce sens, Karim Younès a révélé que depuis la création de cette instance, beaucoup de travail a été fait, malgré le manque de moyens pour certains délégués qui n'ont, par exemple, pas encore de siège. «Je suis fier du travail accompli par beaucoup d'entre vous qui ont pris leur mission très au sérieux. Certains ont même utilisé leurs domiciles pour recevoir les citoyens en attendant d'avoir une permanence», a témoigné le médiateur de la République. À ce propos, il révèle que les services centraux de la médiation avaient reçu depuis l'installation de l'Instance le 17 février passé jusqu'au 2 décembre courant, un total de 4793 requêtes. Plus explicite, il dit avoir reçu personnellement 2793 citoyens, toutes franges sociales confondues, venus des quatre coins du pays. «Leurs requêtes ont été étudiées et transmises aux secteurs concernés pour une prise en charge», a-t-il assuré. «Il ressort de l'analyse des requêtes reçues que plus de 29% d'entre elles concernent le ministère de l'Intérieur, des Collectivités locales et de l'aménagement du territoire», a fait savoir Karim Younès, précisant que la wilaya d'Alger arrivait en tête avec 883 requêtes et réceptions, suivie des wilayas d'Oran (102 requêtes), de Sétif (76 requêtes) et de Skikda (75 requêtes). Des témoignages saisissants Néanmoins, il ne dit pas combien de ces requêtes ont eu une issue favorable. Toutefois, son instance a diffusé un film-documentaire de cinq minutes, où l'ont pouvait entendre les témoignages de plusieurs citoyens, dont les problèmes ont été réglés grâce à la médiation de l'instance. Pour certains, il s'agissait de soucis qu'ils traînaient depuis plusieurs années. Comme cet entrepreneur de l'Est du pays qui n'avait pas été payé par des institutions publiques depuis plus de 2 ans, provoquant la fermeture de sa PME. «Grâce à l'intervention de l'instance de médiation, j'ai été payé et j'ai pu rouvrir mon entreprise et rappelé mes employés qui étaient en chômage forcé durant toute cette période», a rapporté, avec beaucoup de soulagement, ce chef d'entreprise. Sans encore atteindre sa vitesse de croisière, l'instance de médiation semble donc aider les citoyens à parcourir les entraves du monstre qu'est la bureaucratie. Beaucoup de travail reste à faire, cependant, les débuts semblent des plus prometteurs. Surtout que Karim Younès et son équipe comptent «offrir» de précieuses données au gouvernement pour mieux analyser les dysfonctionnements des services publics. «Le rapport annuel de l'instance du médiateur de la République est en cours d'élaboration au même titre qu'un rapport sur les principales préoccupations des citoyens dans les domaines de l'éducation, de la santé, de l'investissement, de l'économie et de l'administration», a-t-il affirmé, non sans annoncer la formulation d'une série de propositions. L'Etat a-t-il donc, enfin, trouvé un moyen de libérer les citoyens des dérives de l'administration? Wait and see...