Pour Tokia Saïfi, la donne était faussée dès le début et «ce n'était pas aux politiques de faire l'histoire». «La loi du 23 février a mis du plomb dans l'aile du traité d'amitié», affirme Tokia Saïfi, députée européenne et ancien secrétaire d'Etat sous le gouvernement Raffarin. Egalement membre, depuis 2002, de l'UMP, elle est mieux placée, d'abord en tant que Française d'origine algérienne, et ensuite en sa qualité de membre du parti majoritaire, son mouvement politique, initiateur de la loi du 23 février. Mais c'est votre camp politique qui est à l'origine de cette loi, interrogeons-nous. Notre invitée rétorque: «c'est une minorité qui a influencé la majorité, et pour preuve, le chef de l'Etat a demandé le déclassement de l'article 4 controversé.» Une déclaration qui intervient au moment où l'un des principaux animateurs de cette «minorité» à l'origine de l'intégration de l'article controversé, effectue une visite en Algérie. L'une des priorités de M. Philippe Douste-Blazy, étant de débloquer le traité d'amitié. Cependant, ce que ne dit pas Mme la ministre c'est que la décision du président Chirac, tout comme d'ailleurs celle du retrait du CPE et la révision de l'attitude du gouvernement vis-à-vis des banlieues, s'est faite sous la pression. Justement, pour notre interlocutrice, qui reconnaît que la crise des banlieues est le résultat de la vision réductrice à l'égard de la communauté immigrée, la loi sur la colonisation, qui a d'ailleurs soulevé un tollé général, aussi bien en Algérie que dans certaines colonies françaises d'outre-mer, «est un épisode malheureux». En somme, d'après Tokia Saïfi, la donne était faussée dès le début, puisque «ce n'est pas aux politiques de faire l'histoire, mais le travail de mémoire incombe aux historiens.» Parce qu'à ses yeux, la question de la colonisation est tellement sensible qu'elle doit être appréhendée de sorte à ne pas heurter les sentiments des gens. Par ailleurs, à une question de savoir pourquoi les autorités françaises font montre d'un deux poids deux mesures quand il s'agit, par exemple, de condamner Papon pour la déportation de Juifs et non pour sa responsabilité dans les évènements du 17 octobre 1961, ainsi que la condamnation officielle du génocide arménien de 1915, cela au moment où la torture pendant la guerre d'Algérie est devenue, un «haut fait d'armes» pour les tortionnaires, Mme la ministre répond : «Parce que le cas algérien est plus sensible» et qu'il faut du temps pour transcender les passions nées de la guerre d'Algérie. Ce qui ne sera possible que grâce au dialogue entre les gouvernements français et algérien. Côté français du moins, Saïfi affirme que la volonté d'aller de l'avant y est toujours. Comme anecdote elle rappellera que lors de la visite de Jacques Chirac en Algérie en 2003, ce dernier était ému, après le chaleureux accueil populaire qui lui a été réservé, aussi bien dans les rues d'Alger qu'à Oran. Ce qui selon notre invitée, dénote des forts liens d'amitié entre les deux peuples.