Pour Mme la ministre, la signature du traité d'amitié est possible pour peu que les deux pays mettent de côté les passions du passé. Il ne nous a pas fallu discuter longuement pour nous apercevoir que ce petit bout de femme est très à l'aise dans ses «bottes de sept lieues». Mme Tokia Saïfi, ancien ministre dans le gouvernement Raffarin, actuellement députée européen, cache des ressources insoupçonnées et un esprit combatif qui la rendent à l'étroit dans des actions à portée nationale et même continentale. Si son combat pour l'intégration de la communauté immigrée est principalement le même depuis son entrée en politique à la fin des années 80, il s'est simplement élargi à l'espace européen. Même là, il lui fallut pousser ses limites à une approche intercontinentale. Sa présence à Alger, cette semaine, répond à cet objectif. Elle est venue oeuvrer pour le rapprochement des deux rives de la Méditerranée par le dialogue et la concertation. Elle est convaincue que pour cela, il faut que la partie Nord se départisse de cet esprit de «donneurs de leçons». «Il faut, nous dit-elle, un dialogue équitable. Que chacun puisse dire à l'autre ses vérités». C'est là, incontestablement, toute la clairvoyance que, seule, peut avoir une «femme aux deux pays» comme elle ne manque d'occasions pour le dire. Un atout exceptionnel certes qui se heurte cependant à cette lancinante question de savoir de «Quelle Europe s'agit-il?». Celle que les français ainsi que d'autres pays du vieux continent ont refusé par référendum? Vaste débat qui ne décourage pourtant pas notre députée européenne et qui rétorque «Il faut travailler pour l'avenir à plus long terme. Il n'est jamais trop tôt pour commencer à se parler, à se comprendre, à accepter l'idée de faire ensemble». Infatigable et battante, Mme Saïfi l'est assurément. L'adversité, elle connaît! Même quand elle vient de sa propre famille politique comme cela a été le cas lors de sa démission du gouvernement Raffarin pour briguer un deuxième mandat européen en 2004. Des attaques en règle contre sa personne comme celle du député UMP Manuel Aeschlimann qui, dans une rage impossible à contenir, s'étale sur le «maigre bilan» de Tokia Saïfi, «laissera des regrets à ceux qui avaient cru au message positif annoncé par sa nomination dans le gouvernement Raffarin en 2002». Parce qu'ils n'ignorent rien du profil et des ressorts qui agitent Manuel Aeschlimann et d'autres comme lui, à gauche, les Algériens voient leur estime et leur confiance pour Mme Saïfi monter de plusieurs crans. Ce qui fait d'elle un interlocuteur privilégié auprès d'eux pour toutes les actions de rapprochement y compris celle du traité d'amitié qui bat de l'aile et qu'un Douste-Blazy auteur de la loi du 23 février est très mal placé pour faire aboutir. L'échec patent de sa mission en Algérie ces derniers jours en est l'illustration. Ce que ne peuvent faire nombre de personnalités, tant françaises qu'européennes, pour le dialogue des peuples, Mme Saïfi est la plus indiquée pour tous ses atouts. Sa politique est claire, aucune pollution n'a pu l'atteindre. C'est une femme politique que gagneraient les femmes et les hommes des deux rives de la Méditerranée à écouter, à aider dans cette immense tâche où elle s'est investie et qui consiste à construire ce pont sur le lac de paix qui fait l'objet d'une farouche adversité sourde et sournoise. Elle a su, au cours de l'entretien que nous avons eu la chance d'avoir avec elle, nous faire apprécier toute l'humanité et la profondeur qui caractérisent les idées de partenariat Nord-Sud qu'elle défend avec la même ardeur et la même constance depuis deux décennies. La France et l'Union européenne ne pouvaient trouver meilleur ambassadeur. Sa cause est devenue la nôtre.