Les relations entre l'Algérie et la France semblent entamer une nouvelle phase, un nouvel élan et un rythme nouveau. C'est du moins ce que laisse entendre le rapport sur «les mémoires de la colonisation et de la guerre d'Algérie» remis, hier, par l'historien Benjamin Stora au président français Emmanuel Macron. En s'appuyant sur ce document d'une centaine de pages, comprenant 22 recommandations, la France promet d'ailleurs des «actes symboliques» mais ne compte nullement faire «repentance» et encore moins présenter des «excuses». Qu'à cela ne tienne! D'autant que le conseiller du président de la République chargé des archives et de la mémoire nationale, Abdelmadjid Chikhi, a affirmé, récemment, que la colonisation a été criminalisée par le peuple algérien et ne nécessite pas un texte de loi, précisant que «la criminalisation de la colonisation n'est pas une priorité dans le dossier de la mémoire dont je suis responsable». Certes, le dossier de la «Mémoire» représentait une priorité pour l'Algérie et figurait en tête des dossiers bilatéraux avec la France, néanmoins, une réconciliation des mémoires permettra une nouvelle impulsion aux relations algéro-françaises. D'autant que les relations entre l'Algérie et la France revêtent «un caractère particulier» en raison de l'histoire et de la forte concentration de la communauté algérienne en France, mais aussi «des personnes ayant une relation passionnelle avec l'Algérie, ce qui explique le poids de l'Histoire dans ce genre de relations». Une relation à laquelle l'élection de Abdelmadjid Tebboune et d'Emmanuel Macron à leurs présidences respectives a donné une autre dimension. Après les mots, place aux actes. Pour ce faire, Benjamin Stora a, dans son rapport, exploré les impasses ayant mené à l'incompréhension de part et d'autre, avant de prôner des solutions à même de pouvoir les dépasser et permettre le passage d'une mémoire communautarisée à une mémoire commune.» Un horizon commun tourné vers l'avenir. Un avenir que devrait déblayer la Commission «Mémoire et Vérité» chargée d'impulser des initiatives mémorielles communes entre la France et l'Algérie, selon Benjamin Stora dont il a fait sa proposition phare. Dans cet esprit, l'historien français liste plusieurs gestes que la France pourrait mettre en place en faveur de la réconciliation. Une liste de recommandations axée sur le partage des archives de la période coloniale, l'érection d'une stèle à l'effigie de l'émir Abdelkader en France à l'occasion du 60e anniversaire de l'indépendance de l'Algérie en 2022, et la panthéonisation de l'avocate et militante Gisèle Halimi, décédée en juillet dernier. Dans cette liste de gestes d'«apaisement», le rapport plaide pour la reconnaissance par la France de l'assassinat de Ali Boumendjel, avocat, ami de René Capitant, dirigeant politique du nationalisme algérien, assassiné pendant «la bataille d'Alger» de 1957, ainsi que l'identification des emplacements où furent inhumés les condamnés à mort exécutés pendant la guerre d'Indépendance sur la base des recherches du «groupe de travail» créé à la suite de la déclaration d'amitié signée lors de la visite du président François Hollande à Alger en 2012. Dans l'immédiat, un colloque international devrait être organisé cette année et dédié aux grandes figures françaises, à l'instar de François Mauriac, Raymond Aron, Jean-Paul Sartre, André Mandouze et Paul Ricoeur, qui ont refusé de cautionner la guerre d'Algérie. Au-delà du fait d'accorder dans les programmes scolaires français «plus de place à la colonisation» Benjamin Stora appelle à «généraliser cet enseignement à l'ensemble des élèves», y compris aux lycées professionnels. Dans la même foulée, la mise en place d'un office franco-algérien de la jeunesse, chargé principalement d'impulser les oeuvres de jeunes créateurs (oeuvres d'animation, courts-métrages de fiction, création de plate-forme numérique pour le son et l'image), est souhaité, à même d'éviter toute autre phase de crispation. Une convergence de vues à confirmer lors de la prochaine réunion du Comité intergouvernemental de Haut niveau algéro-français (Cihn), prévue prochainement à Alger et qui sera coprésidée par les Premiers ministres Abdelaziz Djerad et Jean Castex.