Pressée par les manifestations dans un Mali de plus en plus remonté contre les bavures qui se sont multipliées au cours des derniers mois et confrontée à des résultats de moins en moins probants, au bout d'une décennie de mobilisation de plusieurs milliers de soldats dans la région sahélienne, au nom de la lutte contre le terrorisme qui, entre-temps, a beaucoup prospéré, la France est désormais face à un cruel dilemme. Comment se sortir du guépier, sans en avoir l'air et, bien évidemment, comment s'assurer, en même temps, que ses intérêts géostratégiques et économiques continueront d'être garantis? Ce sont là les questions qui vont faire l'objet d'un vif débat, le 9 février prochain, au Sénat français qui organise une concertation sur la force controversée «Barkhane», engagée au Sahel, et dont le chef de l'Etat Emmanuel Macron n'a pas cessé, au cours des derniers mois, d'évoquer un nécessaire «redimensionnement» des troupes déployées dans cette région. «Un débat se tiendra le 9 février au Sénat pour aborder le fond du sujet concernant le bilan de l'opération», a indiqué, hier, le président de la Commission des Affaires étrangères, de la Défense et des Forces armées au Sénat, Christian Cambon, débat qui, affirme-t-on, devrait contribuer à faire le point sur le bilan de la force «Barkhane», au moment où elle est accusée par les manifestants de Bamako et d'autres villes de bavures sur le territoire malien. La plus récente et la plus spectaculaire de ces bavures est intervenue le 3 janvier dernier, dans le village de Bounti, au centre du pays, lorsque des hélicoptères de l'armée française ont effectué des frappes aériennes qui ont entraîné la mort de 20 personnes, des «terroristes» ont assuré les responsables de «Barkhane» et des dirigeants français dont la ministre de la Défense, et le chef d'état-major, des civils en train de célébrer un mariage, ont riposté les villageois attaqués et l'association malienne peule Tabital Pulaaku. Ce tragique événement aura achevé d' exacerber le sentiment anti-français au Mali, et au Sahel d'une manière plus globale, enflammant la colère de la population et poussant des ONG telles que HRW, la Fédération internationale pour les droits humains (FIDH) et l'Association malienne des droits de l'homme (AMDH), à exiger l'ouverture d'une enquête indépendante. Les villageois et Tabital Pulaaku voient dans l'attaque de leur village «un acte de représailles» à la suite de la mort de cinq soldats français en 48 heures, à peine, dans des attaques terroristes. La société civile malienne et des formations politiques ont tenté d'organiser, voici quatre jours, une grande manifestation à Bamako pour revendiquer le départ définitif de la force française «Barkhane» au Mali qui pâtit d'une dégradation continuelle de la situation sécuritaire. Annulée pour des motifs de pandémie de Covid-19, cette manifestation est de nouveau programmée pour début février. L'incapacité de la France à résoudre la crise sécuritaire au Sahel s'est accompagnée, peu à peu, d'une extension de sa riposte armée face à celle de la violence politique dans la région, au risque de graves dérapages dont les conséquences peuvent s'avérer gravement dommageables.