La corruption, ce cancer social, menace la Sécurité nationale et par là contribue, en dehors du préjudicie moral, au manque de confiance Etat-citoyens- contribuant ainsi au blocage de l'investissement utile. En fait, avec la corruption combinée à la détérioration du climat des affaires, selon la majorité des rapports internationaux, il est utopique de parler d'une véritable relance économique. Transparency International, dans son rapport de janvier 2021, note que la frustration face à la corruption des gouvernements et le manque de confiance dans les institutions témoignent de la nécessité d'une plus grande intégrité politique devant s'attaquer de toute urgence au rôle corrupteur des grosses sommes d'argent dans le financement des partis politiques et à l'influence indue qu'elles exercent sur les systèmes politiques. L'ONG relève que «les pays où les réglementations sur le financement des campagnes sont complètes et systématiquement appliquées ont un score moyen de 70 sur l'IPC, alors que les pays où ces réglementations sont soit inexistantes, soit mal appliquées, ceux-ci n'obtiennent respectivement qu'une moyenne de 34 et 35». Selon cette institution, internationale, pour l'Algérie, la majorité des institutions administratives et économiques est concernée par ce cancer de la corruption. L'on sait que les auteurs de l'IPC considèrent qu'une note inférieure à 3 signifie l'existence d'un «haut niveau de corruption, entre 3 et 4, un niveau de corruption élevé, et que des affaires saines à même d'induire un développement durable ne peuvent avoir lieu, cette corruption favorisant surtout les activités spéculatives. La sphère informelle produit des dysfonctionnements du système et de la bureaucratie ne pouvant pas la limiter par des décrets et lois, mais par des mécanismes de régulation transparents, existant des alliances entre le pouvoir bureaucratique et cette sphère contrôlant plus de 33% de la masse monétaire en circulation, alliances qui favorisent cette corruption qui tend à se socialiser. S'il y a des corrompus, il existe forcément des corrupteurs impliquant tant une moralisation des gouvernants internes que l'urgence d'une moralisation des relations internationales. Faible impact Pour les pays développés, elle est relativement faible, en rapport avec la richesse globale créée, ce qui n'est pas le cas pour des pays ayant un faible PIB. En Algérie, elle s'est socialisée remettant en cause la Sécurité nationale du pays. L'on devra aller vers le contrôle démocratique de deux segments stratégiques: la production de la rente des hydrocarbures (Sonatrach) et la distribution de la rente des hydrocarbures (tout le secteur financier) puisque l'ensemble des secteurs publics et privés sont irrigués par cette rente. Comme je l'ai souvent rappelé, la lutte contre la mauvaise gestion et la corruption renvoie à la question de bonne gouvernance, de démocratie, de la rationalisation de l'Etat dans ses choix en tant qu'identité de la représentation collective. Concernant l'aspect économique en Algérie il faut se demander pourquoi avec une recette en devises de plus de 1000 milliards de dollars entre 2020-2019 et une importation en biens et services de plus de 930 milliards de dollars, sans compter les dépenses internes en dinars, le faible impact sur la sphère économique et la sphère sociale. Comment se fait-il alors que certains pays de la région Mena aient des résultats supérieurs avec trois fois moins de dépenses: corruption, surfacturation ou mauvaise gestion des projets? Slogans creux La lutte contre la corruption n'est pas une question de lois ou de commissions (l'Algérie ayant les meilleurs textes du monde), voire de vision bureaucratique. Ce sont les pratiques d'une culture dépassée, l'expérience en Algérie montrant clairement que les pratiques sociales quotidiennement contredisent le juridisme. Comment mobiliser les citoyens au moment où certains responsables au plus haut niveau ou leurs proches sont impliqués ou supposés être impliqués dans les scandales financiers et peuvent-ils avoir l'autorité morale auprès tant de leurs collaborateurs que de la population algérienne? En fait, la lutte efficace contre la corruption implique d'avoir un système judiciaire indépendant avec une moralité sans faille des juges, d'éviter les luttes d'influence des différentes institutions de contrôle tant techniques que politiques concernant l'utilisation des deniers publics. La mise en place du contrôle est tributaire d'un management efficace des institutions, des comptabilités publiques claires et transparentes pour la rationalisation des choix budgétaires afin d'optimaliser l'effet de la dépense publique, les universités et les centres de recherche étant interpellés pour produire des instruments de calculs adéquats. La pleine réussite de cette entreprise, qui dépasse largement le cadre strictement technique, restera tributaire, largement d'un certain nombre de conditions dont le fondement est la refonte de l'Etat au sein d'une économie mondiale de plus en plus globalisée et des grands espaces, ainsi qu'une concertation permanente entre les différentes forces sociales politiques, économiques et sociales, loin de toute vison d'autoritarisme, vision largement dépassée, conditions stratégiques qui doivent constituer les éléments fondamentaux de la nouvelle gouvernance. La stagnation de l'Algérie dans la notation par l'indice de perception de la corruption est significative de l'existence de ce mal qui menace gravement la stabilité et la sécurité du pays, qu'il s'agit de combattre concrètement. Il s'agit à l'avenir de favoriser des contre-pouvoirs, par plus de dynamisme des institutions de contrôle tant politiques que techniques dont, notamment le Conseil national de l'énergie, la Cour des comptes, les autres organes qui se télescopent dépendant de l'Exécutif étant donc juge et partie, l'action des services de sécurité ne pouvant être que ponctuelle. En fait, la lutte contre la corruption implique un véritable Etat de droit, une nouvelle gouvernance si l'on veut combattre efficacement la corruption qui gangrène le corps social et qui tend, malheureusement, à être banalisée alors qu'elle constitue le plus grand danger, pire que le terrorisme qu'a connu l'Algérie entre 1990-2000. Sans l'amélioration de la gouvernance locale et centrale comme j'ai eu à le démontrer dans un récent interview à l'American Herald Tribune, où une question m'a été posée sur la corruption en Algérie, cela suppose une grande moralité de ceux qui dirigent la Cité, sinon les discours équivalent à des slogans creux et il ne faut pas s'attendre à une dynamisation de la production et des exportations hors hydrocarbures. L'on devra différencier l'acte de gestion pratiques normales, de la corruption, afin d'éviter la démobilisation des managers. Les services de sécurité et les différents organismes de contrôle doivent vérifier l'origine de ces montants de transferts illicites de devises, l'objectif stratégique étant d'établir la connexion entre ceux qui opèrent dans le commerce extérieur soit légalement ou à travers les surfacturations et les montants provenant essentiellement d'agents possédant des sommes en dinars au niveau local légalement ou illégalement, non connectés aux réseaux internationaux. Il s'agit de différencier les surfacturations en dinars (pour des projets ne nécessitant pas ou peu de devises) des surfacturations en devises, existant deux sphères d'agents ceux reliés uniquement au marché interne (dinars) et ceux opérant dans le commerce extérieur (devises), ce processus se faisant en complicité avec les étrangers, bien que certains agents économiques opèrent sur ces deux sphères. Prenons l'hypothèse d'un taux de 15% de surfacturation, ce n'est qu'une hypothèse, étant plus facile pour les services où certaines surfacturations peuvent atteindre plus de 20%. Les sorties de devises de biens et services entre 2000-2018, étant estimées à environ Opposition à la numérisation 930 milliards de dollars, cela donnerait un montant total de sorties de devises de 140 milliards de dollars soit près de trois fois les réserves de change au 31/12/202.. Ces transferts illégaux de devises ne datent pas d'aujourd'hui devant ramener pour des comparaisons sérieuses la valeur du dinar qui était coté à 5 dinars un dollar en 1970, à 77 dinars un dollar vers les années 2000, à 118 dinars un dollar en 2019 et en janvier 2021 à 132 dinars un dollar, n'ayant pas permis d'ailleurs de dynamiser les exportations hors hydrocarbures contrairement à certains arguments des monétaristes oubliant que le blocage est d'ordre structure, l'objectif essentiel sans vision stratégique étant de combler artificiellement, le déficit budgétaire. Ayant eu à diriger le dossier du bilan de l'industrialisation entre 1965 et 1978 pour le gouvernement de l'époque ayant quantifié d'importants surcouts par rapport aux normes internationales, et le dossier des surestaries en 1983 en tant que directeur général des études économiques et haut magistrat comme premier conseiller à la Cour des comptes, pour la Présidence de l'époque au moment du programme anti-pénurie, au vu des importants montants illégaux détectés à travers des échantillons, j'avais conseillé à la Présidence de l'époque d'établir un tableau de la valeur en temps réel, reliant toutes les institutions concernées aux réseaux internationaux (prix, poids, qualité), tableau qui, malheureusement, n'a jamais vu le jour du fait que la transparence des comptes s'attaquait à de puissants intérêts occultes. Ces pratiques portant atteinte à la Sécurité nationale et au développement futur du pays, existant des liens entre trafic de devises, de drogue et terrorisme (voir intervention du Pr Abderrahmane Mebtoul «l'Algérie face aux trafics et au terrorisme au niveau de la région sahélienne»- Ministère de la Défense nationale -Institut de Documentation, d'Evaluation et de prospective trafic des frontières et la sécurité au Sahel 27 mars 2018-). En résumé, les forces qui s'opposent à la numérisation ne veulent pas de transparence, voulant perpétuer les pratiques occultes du passé, expliquant le grand retard dans ce processus lié d'ailleurs au renouveau du système d'information. Une nouvelle organisation du système politique et économique s'impose sans laquelle l'action de la numérisation sera forcément limitée. Si l'Algérie veut dépasser la crise multidimensionnelle à laquelle elle est confrontée au sein d'un monde turbulent et instable préfigurant d'importants bouleversements géostratégique, le futur défi de l'Algérie, elle a les potentialités de sortie de crise, et elles sont énormes, sera d'avoir une visibilité dans la démarche des réformes structurelles indispensables conciliant efficacité économique et une très profonde justice sociale, et au niveau des sphères du pouvoir tant central local des femmes et hommes d'une très haute moralité, avec une nouvelle architecture institutionnelle reposant sur de véritables contre-pouvoirs démocratiques.