Rachid Mimouni est décédé le 12 février 1995. Le pays était en pleine tourmente. Il est menacé plus d'une fois. Mais son amour pour l'Algérie l'empêchait de partir. Ce n'est qu'une fois la menace ayant touché des membres de sa famille que Rachid Mimouni, la mort dans l'âme, prend la résolution de quitter le pays, pour éviter le pire. Il ne choisit ni la France ni le Canada comme la majorité de ceux qui sont partis. Il opte pour le Maroc. Un pays voisin. Il voulait rester proche de sa terre natale et chérie. C'est à ce point que Rachid Mimouni aimait l'Algérie. Il l'aimait à sa manière. Dans l'ensemble de son oeuvre romanesque, unique en son genre, Rachid Mimouni exprime cet amour pour l'Algérie en s'attaquant à tous les maux qui frappent cette terre ancestrale. Avec une langue et un style exceptionnels, Rachid Mimouni a écrit l'une des plus belles pages de la littérature algérienne et devint l'un de ses meilleurs ambassadeurs. Rachid Mimouni est incontestablement l'un des meilleurs écrivains algériens et maghrébins de tous les temps. Des romans cultes On ne peut pas parler de la littérature algérienne en ne citant pas Rachid Mimouni. Certains de ses livres sont des romans cultes. Ils ont marqué plusieurs générations de lecteurs. C'est le cas du «Fleuve détourné», «Tombéza» ou encore «L'honneur de la tribu». Rachid Mimouni a vu le jour en 1945 à Boudouaou dans la wilaya de Boumerdès. Licencié en sciences commerciales en 1968, il poursuivit ses études au Canada, à l'Ecole des hautes études commerciales de Montréal. Il devint par la suite enseignant à l'Ecole supérieure de Commerce à Alger et à l'Inped de Boumerdès. «Le printemps n'en sera que plus beau» est son premier roman. Il parut en 1978 aux éditions étatiques Sned (Société nationale de l'édition de livres). Mais il faut attendre 1982 pour que Rachid Mimouni connaisse le succès littéraire. C'est l'année de la parution de son roman phare, «Le fleuve détourné». Dans ce roman, Rachid Mimouni s'attaque à tous les thèmes tabous. Il parle de la sexualité, mais aussi d'un tas d'autres sujets. «Le fleuve détourné» est l'histoire d'un maquisard. Ce dernier revient dans son patelin après la fin de la guerre d'indépendance. Après des années d'absence, le narrateur, de retour veut comprendre ce qui s'est passé entre-temps. Mais dans son village, tout le monde pense qu'il est décédé pendant la guerre suite à un bombardement des forces coloniales ayant visé un endroit où étaient réfugiés les moudjahidine de l'ALN (Armée de Libération nationale). Le narrateur va à la recherche de son épouse et de son fils unique. Mais... On retrouve tout l'univers absurde et inextricable de Frantz Kafka dans son roman d'une force littéraire extraordinaire. La même ambiance, univers kafkaïen, est perceptible dans plusieurs autres romans de Rachid Mimouni, ainsi que dans son recueil de nouvelles «La ceinture de l'ogresse». Une plume dénonciatrice En plus du talent indéniable de Rachid Mimouni, on retrouve dans les oeuvres de ce dernier un courage remarquable à dénoncer tous les dérapages ayant surgi dans l'Algérie indépendante à l'instar du détournement de la révolution comme le suggère le titre de l'un de ses romans, la bureaucratie, l'intégrisme, l'hypocrisie sociale... Le discours de la dénonciation est extrêmement prononcé dans l'oeuvre romanesque de Rachid Mimouni. On ne se trompera pas si on écrivait que Rachid Mimouni est un romancier engagé. Un engagement qui lui a valu des prises de position et des interventions médiatiques très fréquentes et remarquées surtout après le début de l'action terroriste en Algérie. Il est allé jusqu'à publier un pamphlet contre l'intégrisme intitulé «De la barbarie en général à l'intégrisme en particulier». Ses prises de position courageuses, voire téméraires, ont fait qu'il finit par être menacé à l'instar de nombreux intellectuels algériens. Mais Rachid Mimouni est d'abord et avant tout un écrivain. Son talent lui a valu d'ailleurs, de nombreuses distinctions littéraires. Il a ainsi reçu le Prix de l'amitié franco-arabe en 1990, le Prix de la critique littéraire en 1990, le Prix de la liberté littéraire en 1994, le prix de la nouvelle de l'Académie française en 1991, le prix Albert-Camus en 1993, le Prix de la liberté littéraire en 1994 et le prix spécial Grand Atlas en 1995. La Maison de la culture de la ville de Boumerdès porte son nom.