Après s'être distinguée en France, Kahena campe son premier rôle au cinéma en Algérie non sans fierté... Délaissant ses chaussures de tango pour un moment, c'est en septembre qu'elle retrouvera sur les planches son compagnon danseur Yannick Juarez. Pour l'heure, c'est place à la comédie. «Splendide comédienne», comme on l'a déjà qualifiée, Kahena Saïghi retrouve enfin son pays l'Algérie. Beaucoup d'émotion bien entendu. Elle nous parle ici du rôle qu'elle joue dans le dernier film de Saïd Ould Khelifa, Vivantes ! et évoque son passage à Ghardaïa. L'Expression: Vous jouez dans le nouveau film de Saïd Ould Khelifa. Peut-on connaître le rôle que vous y campez? Kahena Saïghi: Mon personnage s'appel Noun, une jeune femme émigrée qui vient de France. Elle est en Algérie depuis environ un an. Elle a perdu son mari il y a quelque temps. En fait, son enfant lui a été retiré par ses beaux-parents. Elle est restée en Algérie pour pouvoir le récupérer. Elle travaille dans une zone pétrolière dans le Sud algérien. Elle décide de rentrer à Alger car elle en a marre d'être dans le Sud. Elle va à Alger pour faire le ménage dans des hôtels en espérant récupérer son enfant. Aussi, elle apprend le massacre qui s'est passé dont Selma, sa meilleure amie, a été victime. Après cette tragédie, elle va soutenir Selma dans sa douleur, dans son combat pour arriver à convaincre les autres femmes de porter plainte, de témoigner au procès. Elle, elle est un peu coincée. Selma lui demande d'aller témoigner contre le responsable, celui qui les a embauchées dans le Sud. Elle hésite car c'est quelqu'un qui a le bras long comme on dit. Il peut faire barrage et l'empêcher de récupérer son enfant. Il lui met des bâtons dans les roues. Au départ, elle ne veut pas aller témoigner. Finalement, elle ira témoigner car elle rencontrera le procureur qui est quelqu'un de bien, et lui assure qu'elle pourra récupérer son enfant si elle témoigne. En gros, ce personnage est plutôt positif. Elle essaye en tout cas de positiver face à Selma qui vit un drame total. Elle est obligée de relativiser sa situation quant à son mari qui est mort et à son enfant dont elle est séparée pour soutenir Selma dans son combat de femme. Française d'origine algérienne, ayant tourné en France, vous incarnez aujourd'hui votre premier rôle en Algérie. Vos sentiments là-dessus? C'est mon premier rôle en Algérie effectivement. C'est beaucoup d'émotion parce que c'est un pays que je connais en même temps à travers les parents, les histoires et l'histoire avec un grand H, la musique, la nourriture mais malheureusement je ne maîtrise pas la langue arabe. Je pense que ces cinq semaines et demie vont me faire le plus grand bien à ce niveau-là. C'est quelque chose à laquelle je voudrais remédier, en apprenant cette langue qui est belle... Comment allez-vous donc faire dans le film? Comme je suis émigrée, donc je peux parler en français, mais le réalisateur tient quand même à ce que je parle l'arabe pour une plus grande compréhension du public, et c'est important. J'apprends phonétiquement, donc j'avais pris des cours d'arabe mais pas de la bonne manière, un peu scolaire, etc. Je déchiffre quelques lettres, j'apprendrai phonétiquement bien sûr et puis en écoutant les gens et on répétant derrière eux... Les gens comprendront. Ce n'est pas grave si j'ai un accent français. C'est justifié par rapport au rôle. On vous a découverte l'hiver dernier à Ghardaïa où vous vous êtes produite en tant que danseuse de tango lors du festival du film amazigh. Là, on vous retrouve à Alger en tant que comédienne. La transition n'a pas été très dure. Donc vous mettez pour le moment la danse entre parenthèses? Oui. En fait, je suis comédienne de formation au départ. J'ai fait des films en France, des téléfilms dont Total western d'Eric Rochant avec Samuel Le Bihan, Jean-Pierre Calfan, Jean-François Stevenin... J'avais un rôle assez important. C'était mon premier rôle. Après, j'ai fait beaucoup de télé, des séries. Ce qu'on appelle des guests, des petits rôles dans PJ, Navarro, Julie Lescaut, etc. j'ai également joué dans un 3x90 minutes avec Alain Delon. Cela s'appelait Fabio Montale réalisé par José Pinheiro. J'ai fait aussi beaucoup de théâtre. J'ai toujours adoré la danse. Un comédien ne travaille pas tout le temps. Moi, j'avais besoin de sentir que je pouvais m'exprimer autrement que par le jeu d'acteur, donc par la danse, l'écriture. Je pense qu'un artiste doit être complet. C'est pour cela qu'on nous appelle violon d'Ingres. On a besoin d'avoir différents moyens d'expression, différentes formes artistiques. Je me suis mise à la danse. La personne qui m'a formée a trouvé que je progressais vite. Elle m'a amenée sur des contrats professionnels. Cala m'a motivée pour me professionnaliser dans le tango argentin. J'ai signé plusieurs contrats dans des compagnies, des concerts, etc. A Ghardaïa, on était, cet hiver, dans le cadre du Festival du cinéma amazigh, et les gens, en fait, les gens du Haut commissariat de l'amazighité, je les avais rencontrés à Paris - Je suis d'origine kabyle, mes deux parents sont kabyles - Ils m'ont vue danser. Ils ont été séduits et m'ont invitée à venir pendant toute la semaine du festival et participer plus précisément, à la clôture. C'était un très beau souvenir aussi. Encore une fois beaucoup d'émotion. Pour moi, c'était la vraie première fois que je me retrouvais en Algérie. Je suis venue quand j'étais petite dans le cadre familial. Or, là, je me retrouvais moi, toute seule, même si j'étais dans le cadre d'un festival. J'avais l'impression de rencontrer les Algériens d'Algérie, parce que ce festival regroupait des gens venus de partout. Pas seulement des Kabyles, pas du tout et là, j'ai rencontré des gens formidables. Cela était très fort pour moi. Je suis ravie de revenir jouer la comédie. Des projets? Des projets de danse quand je me remettrai un peu parce que j'ai une blessure à la hanche. Je vais attendre d'être rétablie. C'est cela les danseurs, leur instrument est le corps. C'est pour cela que c'est important d'avoir plusieurs cordes à son arc. Je pense que je reprendrai la danse en septembre, essentiellement.