Au cours de sa visite officielle en Egypte, les 19 et 20 avril derniers, le président Jacques Chirac s'est adressé aux étudiants de l'Université française du Caire, pour leur affirmer que « chacun de nos peuples est fier de son histoire, de son identité» ajoutant que «l'esprit de paix se répandra d'autant plus qu'on dissipera le sentiment qu'il existe trop souvent «deux poids, deux mesures» . Cette assertion du chef d'Etat français a précédé de peu les commentaires du ministre des Affaires étrangères, Philippe Douste-Blazy invitant le président de la République algérienne, sur les ondes de Radio J, à «ne pas galvauder le terme génocide», qui ne saurait s'appliquer, à ses yeux, à l'exploitation et à l'oppression du peuple algérien par le système colonial français. La visite de Philippe Douste-Blazy à Alger a été complètement ratée en ce sens qu'elle se voulait une invite unilatérale à l'adresse de l'Algérie, sommée de conclure au plus vite un traité d'amitié essentiellement motivé par des urgences économiques tant Paris se préoccupe des percées enregistrées, au cours des deux dernières années, par les Etats-Unis, la Russie et, à un degré moindre, la Chine. Occultant sciemment le volet de la mémoire sur lequel la France a une position tranchée, qui exclut tout acte de repentance, le gouvernement et le président français auraient-ils souhaité parapher à toute vitesse un traité de nature à assurer à leurs pays un partenariat d'exception qui permette à leurs entreprises de passer outre la concurrence sur la majorité des contrats avec l'Algérie? C'est cet aspect unilatéral de la démarche que le président Abdelaziz Bouteflika a contesté, arguant qu'un traité d'amitié doit aller bien au-delà des échanges commerciaux entre deux partenaires résolus à écrire une page exceptionnelle de leur histoire commune. Il était tout de même bizarre qu'à l'heure d'un tel projet de traité d'amitié, les députés UMP, le ministre des Affaires étrangères en tête, aient cru pertinent de légiférer sur l'aspect positif de la colonisation. A croire qu'ils avaient programmé de torpiller, purement et simplement, ledit projet! Les réactions des partis politiques algériens, notamment le FLN et le MSP, tendent toutes vers une condamnation sévère des propos du ministre des Affaires étrangères, du président de l'Assemblée nationale et du patron du Front national (extrême droite française). «Nous n'acceptons pas les mensonges», a notamment estimé le secrétaire général du FLN, Abdelaziz Belkhadem. Il est encore plus bizarre que c'est à la faveur du voyage en Egypte du chef de l'Etat français, c'est-à-dire plusieurs jours avant les salves, sans modération aucune, de Douste-Blazy et de Jean-Louis Debré contre le président Abdelaziz Bouteflika auquel ils reprochent, ni plus ni moins, que de se rendre en France pour des raisons médicales (...), qu'un message diplomatique est délivré, par journal arabe londonien interposé, quant à la «déception française» face au discours algérien sur le traité d'amitié. La source officieuse d'Al Hayat aurait ainsi délivré un report du traité d'amitié pour dix à quinze ans, affirmant qu' Alger porte la responsabilité de l'échec de la refondation des relations avec Paris. Outre que c'est aller un peu vite en besogne, en faisant abstraction des événements politiques qui peuvent advenir aussi bien en 2007 que plus tard, il y a là une méconnaissance des tenants et aboutissants qui ont jalonné les échanges algéro-français depuis la conclusion de la Déclaration d'Alger, et singulièrement durant l'année 2005, de février à décembre. Une chose est claire, les relations entre les deux pays sont encore assujetties au passé colonial qui grève lourdement leur présent comme leur futur. En tout état de cause, la signature du traité d'amitié est une affaire trop sérieuse pour la laisser confinée au seul champ politique. Il faut densifier les échanges entre les sociétés civiles des deux pays, multiplier le maillage des universités et des centres de recherche, favoriser les courants de communication et de dialogue entre les deux peuples, à tous les niveaux et dans tous les domaines, jusqu'à cimenter leur confiance réciproque et à effacer les incompréhensions actuelles. Lourde tâche, énorme défi pour lesquels il faut donc travailler sans impatience, sans grief et sans mesquinerie. Et le chemin est encore long et plein d'embûches. Cela aussi, Paris doit le savoir, à l'heure d'une gestion drastique et humiliante des visas.