Au moment où les plus hautes autorités du pays parlent de «refonte de l'Etat» pour un développement plus équilibré et solidaire, comme j'ai eu à le rappeler en l'évoquant dans différentes contributions nationales et internationales, largement diffusées entre 2007-2019 afin, de rapprocher l'Etat du citoyen, il y a urgence pour nos gouvernants de comprendre le fonctionnement de la société loin des bureaux climatisés et donc sans tabou, d'aller vers la régionalisation économique à ne pas confondre avec l'avatar dangereux du régionalisme. L'objet de cette contribution, en m'en tenant au segment socio-économique, devant être élargi à l'anthropologie culturelle, est de poser cette problématique stratégique inséparable de la bonne gouvernance et de l'efficacité des institutions. Contrairement aux idées de certains bureaucrates rentiers, qui ont peur de perdre une parcelle de leur pouvoir, la régionalisation économique renforce le rôle de l'Etat régulateur, améliore l'efficience économique et contribue à l'unité nationale par la cohésion sociale régionale. La notion de région est elle-même extrêmement variable, la régionalisation pouvant se réaliser au sein du pays ou bien par le regroupement d'un ensemble d'Etats dans une zone géographique particulière ou sur la base d'intérêts ressentis comme communs ce que les économistes qualifient d'intégration régionale. Aussi, la régionalisation peut prendre des formes très différentes selon les pays, allant de la décentralisation au quasi-fédéralisme. Je définirai la régionalisation économique comme un mode d'organisation de l'Etat qui confère à la région un rôle et un statut économique propre, caractérisé par une autonomie relative, mais non indépendant de l'Etat régulateur central pour les grandes orientations stratégiques tant politiques qu'économiques, cette autonomie étant donc encadrée par l'autorité nationale. La régionalisation économique couplée avec une réelle décentralisation supposant une clarté dans l'orientation de la politique socio-économique évitant des tensions et conflits entre le pouvoir local et central et des concurrences entre le centre et la périphérie permettrait un nouveau cadre de pouvoir avec des nouveaux acteurs, de nouvelles règles et de nouveaux enjeux avec des nouvelles stratégies élaborées. Elle devrait favoriser un nouveau contrat social national afin d'optimaliser l'effet de la dépense publique et rendre moins coûteux et plus flexible le service public. Le pays le plus décentralisé au monde, ce sont les Etats-Unis d'Amérique, mais n'oublions pas les landers allemands, les cantons suisses, les organisations des Etats de la Russie et de la Chine, le pouvoir le plus centralisé actuellement étant pour les pays développés la France (voir le rapport de Jacques Attali remis au président français Sarkozy sur la réforme de l'Etat insistant sur la décentralisation). Une réorganisation du pouvoir local dont la base est la commune, pour une société plus participative et citoyenne s'impose, réorganisation fonction de la revalorisation de la ressource humaine renvoyant à l'urgence de la révision du statut de la fonction publique. Après la «commune providence» du tout Etat, l'heure est au partenariat entre les différents acteurs de la vie économique et sociale, à la solidarité, à la recherche de toutes formes de synergie et à l'ingénierie territoriale. C'est dans ce contexte, que la commune doit apparaître comme un élément fédérateur de toutes les initiatives qui participent à l'amélioration du cadre de vie du citoyen, à la valorisation et au marketing d'un espace. C'est à la commune que reviendra ainsi la charge de promouvoir son espace pour l'accueil des entreprises et de l'investissement devant se constituer en centre d'apprentissage de la démocratie de proximité qui la tiendra comptable de l'accomplissement de ses missions. Actuellement, les présidents d'APC ont peu de prérogatives de gestion tout étant centralisé au niveau des walis alors qu'il y a lieu de penser un autre mode de gestion, de passer du stade de collectivités locales providences à celui de collectivités locales entreprises et citoyennes responsables de l'aménagement du marketing de son territoire. Tout est centralisé au niveau des walis Cela pose toute la problématique de l'aménagement du territoire afin de rapprocher l'Etat du citoyen. L'Algérie qui compte plus de 44 millions d'habitants avec une projection de plus de 50 millions horizon 2030, donc une demande sociale croissante en emplois, logements, nourritures, avec de nouveaux besoins d'une jeunesse parabolée, s'étend sur 2380000 km2 dont 2100000 km2 d'espace saharien. La densité paraît faible, mais les 9/10e de la population sont concentrés sur les terres du Nord. Sa situation géographique est stratégique: en face de l'Europe, côtoyant la Tunisie, l'Atlantique Maroc/Mauritanie, la Libye, le Mali et le Niger comme point d'appui de l'Afrique subsaharienne. Des actions urgentes dont la responsabilité ne concerne pas seulement un département ministériel, mais à la fois plusieurs ainsi que les collectivités locales, sont nécessaires. Cette situation peut avoir des conséquences très graves, avec la «bidonvilisation» sur le plan sécuritaire qui a un coût. Ce fait, l'aménagement du territoire plaçant l'homme pensant et créateur au coeur du développement doit réaliser un double objectif, d'une part, une société plus équilibrée, plus participative et solidaire, d'autre part, la croissance au service de l'emploi. L'aménagement du territoire devra répondre aux besoins des populations en quelque lieu qu'elles se trouvent et assurer la mise en valeur de chaque portion de l'espace où elles sont installées. Cela implique une nouvelle architecture des villes, des sous-systèmes de réseaux mieux articulés, plus interdépendants bien qu'autonomes dans leurs décisions, évitant le gigantisme. L'efficacité de ces mesures d'aménagement du territoire pour favoriser les activités productives, impliquent la refonte des finances locales et des taxes parafiscales sans laquelle la politique d'aménagement du territoire aurait une portée limitée devant s'appuyer sur le système de péréquation entre les régions pauvres et riches et sur une véritable décentralisation qui doit être prise en compte par les pouvoirs publics évitant l'esprit centralisateur, jacobin, largement dépassé. La structure qui me semble la plus appropriée pour créer ce dynamisme, ce sont les Chambres de commerce régionales qui regrouperaient l'Etat à travers ses administrations souples, débureaucratisées, comme régulateur, les entreprises publiques/privées, les banques, les centres de formation professionnelle, les universités/centres de recherche et les associations locales avec pour objectif, être un lieu de concertation, mais surtout d'impulsion pour la concrétisation de projets à valeur ajoutée, tant nationaux qu'internationaux. La nouvelle politique d'aménagement du territoire devra donc forcément se situer dans le cadre d'une stratégie plus globale dépassant l'espace Algérie, dans le cadre de l'espace africain, maghrébin, et euro-méditerranéen qui est l'espace naturel de l'Algérie (Ouvrage collectif pluridisciplinaire -politologues, juristes, sociologues, historiens, experts militaires, économistes) sous la direction du professeur Abderrahmane Mebtoul et du docteur Camille Sari en collaboration avec 36 experts internationaux: quelle gouvernance et quelles institutions au Maghreb face aux enjeux géostratégiques Harmattan Paris (516 pages) Il s'agit pour les riverains subsahariens, ainsi qu'à nos frontières, d'imaginer ensemble des zones tampons de prospérité et non de voir ces zones sous des angles négatifs, ce qui accroît les tensions comme en témoigne cet exode massif vers l'Europe. Quel rôle pour les associations locales? En résumé, force est de constater de vives tensions budgétaires et financières (42 milliards de réserves de change fin 2020 contre 62 fin 2019 et 194 en janvier 2014 face à une pression démographique galopante, du retour de l'inflation avec la détérioration du pouvoir d'achat et donc de vives tensions sociales, des tensions géostratégiques à nos frontières où l'ANP et les forces de sécurité jouent comme facteur de stabilisation et un grand bouleversement économique qui s'annonce 2025-2030 marqué par la transition énergétique et numérique. Je ne m'explique pas la léthargie de certains responsables en ce mois, depuis janvier 2021 à ce jour (gouverner c'est prévoir) face à cette flambée des prix qui menace la cohésion sociale et donc la Sécurité nationale où certaines organisations de défense des consommateurs qui prêchent dans le désert, incombant la responsabilité aux petits détaillants alors que le problème est ailleurs, l'absence de régulation, mais qui ne date pas d'aujourd'hui, des discours triomphants lorsque la rente des hydrocarbures est en hausse et le désarroi lorsqu'elle baisse. Comment ne pas rappeler ma contribution, au niveau national et international, sous le titre «Mesdames et Messieurs les membres du gouvernement, allons faire le marché ensemble» (www.google.com le 08/09 septembre 2009) toujours d'une brûlante actualité, montrant que les mécanises de régulation et de gouvernance n'ont pas fondamentalement changé. Aussi, pour se projeter sur l'avenir, l'Algérie nouvelle impose une nouvelle gouvernance, un langage de vérité, la moralité des gouvernants, de rétablir la confiance pour sécuriser son avenir, de s'éloigner des aléas de la mentalité rentière, de réhabiliter le travail et l'intelligence, de rassembler tous ses enfants et toutes les forces politiques, économiques et sociales, en tolérant les différentes sensibilités mais évitant la division sur des sujets secondaires. Il y va de la Sécurité nationale. Eparpillement des décisions De grands défis attendent l'Algérie nécessitant de connaitre notre histoire millénaire (1) et une vision stratégique horizon 2021/2030, les tactiques pour paraphraser les militaires devant se mouler au sein d'une fonction stratégique (moyens/objectifs datés), une approche basée sur une identification claire des missions et responsabilités et une restructuration des fonctions et des services chargés de la conduite de toutes les activités politiques, administratives, financières, techniques et économiques. C'est dans ce cadre que doit s'inscrire la nouvelle organisation institutionnelle évitant l'éparpillement des décisions tant des ministères que des wilayas, évitant les microinstitutions, vision bureaucratique du passé alors qu'avec les nouvelles technologies l'on peut supprimer les réseaux intermédiaires budgétivores, ne devant jamais assimiler décentralisation et déconcentration néfaste. La pleine réussite d'une réelle décentralisation autour de cinq à six grands pôles régionaux, Est, Centre, Ouest, Sud-est, Sud-ouest, Grand Sud, processus complexe éminemment politique, qui implique de poser la problématique du rôle de l'Etat et son articulation avec le marché dans la future stratégie socio- économique, ce qui renvoie au mode de gouvernance tant local, national, qu'international afin de favoriser une société plus participative et citoyenne fondée sur l'innovation créatrice.(voir ouvrage collectif sous la direction du professeur Abderrahmane Mebtoul, Casbah Editions, Alger, deux volumes 500 pages 2015: Les défis de l'Algérie démocratie et développement où un long chapitre a été consacré à la réforme de l'Etat via la décentralisation.