Les répliques du «séisme Castex» continuent de secouer les relations algéro-françaises. Dix jours après le report sine die de la visite du Premier ministre, Jean Castex, à Alger, le président français entre en scène. Dans un entretien qu'il a accordé, avant-hier, au Figaro, un journal de droite, Emmanuel Macron a pointé du doigt «quelques résistances» en Algérie aux efforts de réconciliation entre les deux pays. Le chef de l'Etat français ne semble pas s'attarder sur ces «résistances» estimant avec conviction que la volonté de réconciliation des mémoires est une réalité partagée entre les deux peuples. «Je crois au contraire que cette volonté est très largement partagée, notamment par le président algérien Abdelmadjid Tebboune. Il est vrai qu'il doit compter avec quelques résistances...», a affirmé Macron qualifiant ainsi d'«inacceptables» les propos du ministre du Travail, El Hachemi Djaâboub, ayant soutenu que la France était «l'ennemi traditionnel et éternel» des Algériens. Depuis ces derniers mois, le président français a engagé une série d' «actes symboliques» afin de tenter de «réconcilier les mémoires». Plusieurs propositions allant dans ce sens sont contenues dans le rapport de l'historien Benjamin Stora, remis en janvier dernier au président Macron. «Ne vous y trompez pas, derrière le sujet franco-algérien, il y a d'abord un sujet franco-français», affirme Emmanuel Macron dans le même entretien au Figaro. «Au fond, nous n'avons pas réconcilié les mémoires fracturées ni construit un discours national homogène (...)». En soutenant qu'il y a en Algérie des résistances qui bloquent l'apaisement des mémoires, le président français dit-il vrai? En effet, avec une moindre virulence qu'en France, il y a en Algérie des résistances à cet effort de réconciliation. Elles sont essentiellement «l'oeuvre» de la mouvance islamiste réfractaire à tout ce qui vient de l'Occident encore plus de la France. Le ministre du Travail, El Hachemi Djaâboub appartient à ce courant incarné par le Mouvement de la société pour la paix (MSP), une succursale des Frères musulmans en Algérie. Le président de ce parti, Abderazzak Makri, admirateur d'Erdogan et connu pour ses sorties enflammées, n'a pas trouvé mieux que de demander, en mai 2020, «la criminalisation de l'usage de la langue française dans les institutions et les documents officiels» en Algérie! Sortant de l'antre de ce parti, Djaâboub ne pourra de ce fait agir et réagir que selon les fondamentaux du MSP. Sitôt nommé à la tête du ministère du Travail, ne s'est-il pas empressé d'ordoner l'arabisation de tous les documents en rapport avec son département? Ce serait alors tomber dans le piège de la propagande islamiste que d'exagérer l'importance des propos peu amènes, tenus par Djaâboub à l'encontre de la France. Ils participent plutôt d'une tentative de se dédouaner d'un passé peu honorable pour un parti qui a flirté pendant 10 ans avec le pouvoir. Une période durant laquelle le MSP a eu à gérer plusieurs portefeuilles ministériels. Pour passer l'éponge sur cette sale ardoise, le MSP singe le discours d'Ankara qui ressort à chaque fois la guerre d'Algérie pour se dédouaner du génocide arménien. La déclaration de Djaâboub, condamnée par l'élite algérienne, obéît à cette logique de lobbysme islamiste. Le ministre du Travail qui a tenu ses propos à l'intérieur de l'enceinte du Sénat, ne s'attendait certainement pas au recadrage du président de cette institution. Salah Goudjil a opposé un franc démenti, quand sur ces mêmes colonnes de L'Expression, il a rappelé quelques vérités au ministre du Travail, notamment sur les relations algéro-françaises. Moudjahid de la première heure, compagnon de l'un des Six chefs historiques, à savoir Mustapha Benboulaïd, le vieux moudjahid Salah Goudjil a bien fait le distinguo entre le peuple français et le colonialisme. Dans un entretien paru en mars dernier, sur la revue El Djeïch, Salah Goudjil a admirablement remis les choses à l'endroit en faisant la différence entre l'ordre colonial et le peuple français. «L'Histoire retiendra que la colonisation en Algérie a été la plus violente et la plus barbare que l'humanité a connue». «Tout comme elle a libéré l'Algérie, notre Révolution libératrice a également libéré le peuple français», a souligné le président du Sénat. Djaâboub n'est pas le seul a s'immiscer dans les affaires diplomatiques, un domaine qui relève pourtant du pré carré présidentiel. Mais cela aura-t-il raison de la volonté obstinée de Tebboune et de Macron décidés d'ouvrir une nouvelle page des relations entre les deux pays?