Retour à la case départ? C'est la grande peur des professionnels de la santé. Depuis le début du mois d'avril, la pandémie de coronavirus enregistre une nette recrudescence. Le nombre de cas quotidien a doublé en deux semaines, les services Covid-19 commencent à se remplir. Certains sont même «full»! C'est notamment le cas dans la capitale où le «marathon» des places dans les hôpitaux a fait son retour. Ils sont de plus en plus nombreux à faire le tour des établissements hospitaliers du grand Alger avant d'espérer se faire hospitaliser! Les spécialistes ont tiré la sonnette d'alarme. À l'image du professeur Riad Mahyaoui, chef de service réanimation au Cnms, membre du Comité scientifique de lutte contre la Covid-19. Il a multiplié les sorties médiatiques afin d'appeler la population à plus de vigilance. Jeudi dernier, il a reconnu que la situation commençait à être inquiétante. Il va plus loin en n'écartant pas la possibilité de voir arriver, très prochainement, la tant redoutée troisième vague. «La situation épidémiologique était calme depuis près de 4 mois. Ce qui nous mettait à l'abri d'une nouvelle vague, mais les choses ont changé», a-t-il soutenu. «Aujourd'hui, les services dédiés à cette pandémie se remplissent alors que les contaminations risquent de continuer leur ascension à cause du relâchement général enregistré», soutient-il. Des appréhensions partagées par la majorité de ses confrères. Le professeur Kamel Djenouhat reconnaît lui aussi que la situation actuelle risque de fortement se dégrader les prochains jours. Le président de la Société algérienne d'immunologie et chef de service du laboratoire central EPH Rouiba, met en avant le grand relâchement des citoyens, qui coïncide avec la progression «rapide» de nouveaux variants de ce virus. Le dernier bilan de séquençage des virus SARS-CoV-2 publié, jeudi dernier, par l'institut Pasteur d'Algérie (IPA) donne froid dans le dos. 166 nouveaux cas de ces «mutants», presque 100 fois plus contagieux que la souche initiale, ont été détectés. «Il s'agit de 65 nouveaux cas du variant britannique (B.1.1.7) et de 101 nouveaux cas du variant nigérian (B.1.525)», précise l'IPA dans un communiqué. Le nombre total de cas confirmés s'élève ainsi à 143 cas pour le britannique et 230 cas pour le nigérian. Des chiffres qui sont très loin du nombre de cas réels, car les moyens dont dispose le pays ne permettent pas un séquençage de masse. «Actuellement, seul l'institut Pasteur peut détecter ces souches. Il n'est pas possible de déceler tous les nouveaux cas à travers le pays», a expliqué le professeur Djenouhat. De plus, il semblerait que ces souches commencent à se propager à travers tout le pays. «Les nouveaux cas du variant britannique ont été détectés dans les wilayas suivantes: 29 cas à Alger, six à Blida, sept à Béjaïa, deux à Ouargla, trois à Relizane, un à Tiaret, sept à Tindouf, un à Tizi Ouzou, sept à Oran et deux à El Bayadh», indique l'IPA. «S'agissant des 101 cas du variant nigérian, 39 ont été confirmés à Alger, quatre à Béjaïa, quatre à Bouira, 12 à Laghouat, 16 à Médéa, trois à Relizane, un à Touggourt, 39 à Oran et trois à In Salah», ajoute la même source. Un bilan des plus inquiétants, particulièrement en ce qui concerne le variant nigérian. D'ailleurs, le professeur Djenouhat n'hésite pas à le qualifier de plus grande menace contre le pays. «Cette souche se propage de façon rapide et résiste aux vaccins», a-t-il attesté. «Une étude britannique a confirmé, cette semaine, que le variant nigérian a un taux de mortalité de 4,5, qui est la plus grande proportion de décès dus à ce virus», a-t-il rappelé avec beaucoup d'inquiétude. Il soutient cependant qu'il n'est pas encore trop tard afin d'éviter la catastrophe. «Nous sommes au début de l'escalade des chiffres. Nous pouvons encore contrôler la situation et éviter la troisième vague avec des mesures préventives», a estimé ce spécialiste. Il insiste, néanmoins, sur le fait que le temps n'est pas de notre côté. Il appelle alors à retrouver les gestes barrières, notamment le port obligatoire du masque. Cet appel trouvera-t-il, enfin, un écho? Pas si sûr, car le relâchement se fait de plus en plus ressentir chez les citoyens. Dans les commerces ou autres lieux publics, on a l'impression que la Covid-19 n'a jamais existé. Pis encore, ces trois derniers jours, de nouveaux établissements ont organisé des soirées d'inauguration. Ils ont regroupé des centaines de personnes sans le moindre respect des mesures barrières! Un égoïsme qui risque d'être...fatal!