Le président Emmanuel Macron a reconnu jeudi à Kigali les «responsabilités» de la France dans le génocide des Tutsi de 1994 au Rwanda, dans un discours très attendu où, sans présenter d'excuses, il a dit espérer le pardon des victimes. «En me tenant, avec humilité et respect, à vos côtés, je viens reconnaître nos responsabilités», a-t-il déclaré, tout en affirmant que la France n'avait «pas été complice» du génocide ayant fait plus de 800.000 morts. Son discours a été salué par son homologue Paul Kagame lors d'une conférence de presse commune: «Ses paroles avaient plus de valeur que des excuses. Elles étaient la vérité», a-t-il réagi, évoquant le «courage immense» de son «ami» Emmanuel Macron. Les deux présidents ont promis, selon les mots de M. Macron, de renouer des relations «puissantes et irréversibles» entre leurs deux pays. Les rescapés du génocide ont accueilli avec des émotions partagées le discours du chef de l'Etat français. «J'ai aimé le ton et les mots qu'il a utilisés (...). Egide Nkuranga, président de la principale organisation de rescapés, Ibuka, a regretté queM. Macron n'ait «pas présenté clairement des excuses au nom de l'Etat français», ni «même demandé pardon». Emmanuel Macron s'est justifié en estimant que l'évocation d'«excuses», également souhaitée par des responsables politiques français, n'était pas «appropriée» et qu'il préférait la «reconnaissance des faits». Quant au pardon, «ce n'est pas moi qui peut le donner», a-t-il ajouté. Dans son discours empreint de solennité au mémorial du génocide de Kigali, où reposent les restes de plus de 250.000 victimes, il a déclaré espérer que ceux qui «ont traversé la nuit» du génocide des Tutsi puissent «faire le don de nous pardonner». La France a fait «trop longtemps prévaloir le silence sur l'examen de la vérité», a-t-il regretté. L'objectif affiché d'Emmanuel Macron était de «finaliser» la normalisation des relations avec le Rwanda après «27 années de distance amère (...) d'incompréhension, de tentatives de rapprochement sincères mais inabouties». En 2010, Nicolas Sarkozy, seul président français à s'être rendu à Kigali depuis le génocide, avait déjà reconnu de «graves erreurs» et «une forme d'aveuglement» des autorités françaises ayant eu des conséquences «absolument dramatiques». Pour Emmanuel Macron, la France n'a cependant «pas été complice» des génocidaires, ce qu'avait également conclu le rapport d'historiens dirigé par Vincent Duclert remis en mars. «Les tueurs qui hantaient les marais, les collines, les églises n'avaient pas le visage de la France», a-t-il déclaré. «Le sang qui a coulé n'a pas déshonoré ses armes, ni les mains de ses soldats qui ont eux aussi vu de leurs yeux l'innommable, pansé des blessures et étouffé leurs larmes». Mais «au lendemain, alors que des responsables français avaient eu la lucidité et le courage de le qualifier de génocide, la France n'a pas su en tirer les conséquences appropriées», a-t-il poursuivi. La question du rôle de la France avant, pendant et après le génocide a été un sujet brûlant pendant des années, conduisant même à une rupture des relations diplomatiques entre Paris et Kigali entre 2006 et 2009.Le fossé s'est cependant comblé depuis le début du quinquennat avec une série d'initiatives françaises pour sortir de l'impasse. Dont le rapport Duclert, qui a conclu aux «responsabilités lourdes et accablantes» de la France et à l'«aveuglement» du président socialiste de l'époque François Mitterrand et de son entourage face à la dérive raciste et génocidaire du gouvernement hutu que soutenait alors Paris. Pour concrétiser cette normalisation, M. Macron a annoncé jeudi la nomination prochaine d'un ambassadeur français au Rwanda, où le poste est vacant depuis 2015. Le président français s'est engagé «à ce qu'aucune personne soupçonnée de crimes de génocide ne puisse échapper à la justice», alors que plusieurs résident en France. Pour tenter de redonner de la vigueur au français, Emmanuel Macron a inauguré un nouveau Centre culturel francophone à Kigali, 7 ans après la fermeture de l'Institut français au Rwanda. Il se rendait, hier, en Afrique du Sud pour une visite consacrée à la pandémie de Covid-19 et notamment à la production de vaccins sur le continent.