Le réveil est difficile, voire même douloureux pour de nombreux partis politiques, au lendemain des élections législatives du 12 juin. Pour les indépendants, c'est carrément la gueule de bois! Le retour au-devant de la scène du FLN, du RND et du MSP, selon les résultats préliminaires qui ont fuité et ont été repris par des sites électroniques, est pour le moins la grande surprise de ce rendez-vous électoral. Premier de sa classe depuis toujours, le Front de Libération nationale semble ne pas vouloir céder sa place. Il aurait réussi, cette fois aussi, à grignoter une centaine de sièges à la chambre basse du Parlement. Certes, ce sont 50% de moins que lors des législatives de 2017, mais malgré cette perte, il se maintient en haut de la liste. Son frère jumeau, le RND n'a pas réussi la même performance et se serait classé en troisième position avec une cinquantaine d'élus. La formation de Tayeb Zitouni aurait cédé la seconde place au MSP de Abderrazak Makri. Ce dernier, faut-il le préciser, avait vite crié victoire et fait même état de tentatives de modification des scores du scrutin, appelant à l'intervention du président Abdelmadjid Tebboune, pour sauvegarder les voix des électeurs. Sévèrement recadré par l'Autorité nationale indépendante des élections (Anie), le MSP ne se serait, cependant, pas trompé sur toute la ligne puisque les premières tendances le donne en seconde position avec un minimum de 70 députés. Plus que le double des sièges qu'il avait obtenus en 2017. C'est dire que ce parti islamiste est le grand gagnant de l'abstention. Les indépendants, El Moustakbel et El Bina viendraient juste après dans le classement avec une cinquantaine ou une quarantaine de sièges. Mais pour ces trois forces politiques, c'est plus une défaite qu'une victoire. Avec plus de 837 listes comptant quelque 12.000 candidats, les indépendants ont enregistré une énorme débâcle. Certes novices et peu expérimentés en politique mais avec leurs jeunes visages, leurs diplômes et un passé immaculé, auxquels il faut ajouter l'encouragement de l'Etat, il était attendu qu'ils réalisent un résultat meilleur, voire même qu'ils concurrencent le score de tous les partis islamistes réunis. Mais ces premières tendances, pour le moins inattendues, remettent en cause tous les pronostics. Qui aurait pensé que les partis qui ont connu d'énormes déboires après la mobilisation populaire du 22 février 2019 en raison de leur lourd héritage sous l'ère du président déchu Abdelaziz Bouteflika, garderaient leurs premières places? Abdelmadjid Tebboune a bien affirmé que «le 12 juin, le citoyen sera souverain (...) L'ère des quotas est révolue et les urnes trancheront et conforteront le choix du peuple». Cela confirme une chose: les assises du FLN et du RND parmi les 30% d'électeurs sont importantes et leurs adhérents sont disciplinés. L'autre lecture à souligner des résultats fuités, est le nombre de victoires très réduit des femmes candidates et il faut s'attendre à ce que le taux de 30% de femmes dans l'APN 2017 ne soit plus qu'un vieux souvenir puisque seulement une vingtaine aurait réussi l'épreuve de l'urne. Avec une telle composante, la 9ème législature se retrouve sans majorité absolue et même la coalition entre le FLN et le RND sera, pour la première fois, insuffisante. Il faudra donc s'attendre à des alliances. Avec quelque 150 sièges sur les 407 que comptera la prochaine Assemblée populaire nationale, la coalition FLN-RND devra pactiser avec une troisième force pour composer la majorité présidentielle. Probablement le front El Moustakbel qui n'a pas caché son intention de rejoindre une coalition tout en affichant une ambition de rallier le gouvernement. Il y a aussi le mouvement El-Bina d'Abdelkader Bengrina qui devrait, sans surprise, adhérer à la coalition présidentielle. Il suffit pour s'en convaincre de rappeler que l'ancien candidat à la présidentielle du 12 décembre 2019, arrivé en deuxième position, avait tendu la main au président élu pour «la protection de la souveraineté nationale et du projet de novembre». À bien voir donc, Abdelmadjid Tebboune aura sa majorité présidentielle et le prochain gouvernement sera conduit par un Premier ministre. Ce sera un nouveau ou pourquoi pas une reconduction, tant que la loi le permet. Certes, il ne s'agit là que des premiers scores divulgués de manière non officielle, mais l'Anie ne devrait plus tarder à proclamer les résultats certifiés et leur annonce fera beaucoup de déçus.