Graver dans le marbre la tenue d'élections en Libye en fin d'année et écarter troupes étrangères et mercenaires: les principaux pays impliqués dans le conflit se réunissaient, hier, à Berlin pour un nouveau sommet. Tous les acteurs de la région et, pour la première fois, le gouvernement de transition libyen ont participé à cette conférence au niveau des ministres des Affaires étrangères. Le 19 janvier 2020, une première conférence avait réuni dans la capitale allemande, sous l'égide des Nations unies, les dirigeants des pays impliqués, parvenant à un accord fragile pour mettre fin au conflit. Dix ans après le renversement de Mammar El Gueddhafi, les participants font notamment le point sur la transition politique en Libye. Le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, est intervenu en vidéo. Les Etats-Unis sont aussi représentés par le secrétaire d'Etat américain, Antony Blinken, en tournée européenne. «Il est essentiel pour la poursuite de la stabilisation du pays que les élections aient lieu comme prévu et que les troupes et combattants étrangers quittent effectivement la Libye», a déclaré lundi le chef de la diplomatie allemande, Heiko Maas, hôte de la réunion. Le principal enjeu était de garantir la tenue simultanée des élections présidentielle et législatives le 24 décembre, que le gouvernement de transition, dirigé par le Premier ministre Abdelhamid Dbeibah, a promis d'organiser. Des doutes subsistent néanmoins sur la réelle volonté du pouvoir en place de voir se dérouler ce scrutin. L'ancien ministre de l'Intérieur libyen Fathi Bachagha, probable candidat à cette première élection présidentielle au suffrage direct, a ainsi mis en demeure, le 2 juin, le gouvernement de ne pas retarder leur tenue. «La date des élections est acceptée par tous», veut croire un diplomate, qui redoutait, avant d'être rassuré par les discussions préliminaires, que le gouvernement de transition «n'ait aucun intérêt pour les élections». Après une décennie d'échecs à sortir la Libye du chaos, la formation de ce nouveau cabinet au terme d'un processus politique parrainé par l'ONU avait sonné comme l'espoir que l'on n'attendait plus. L'Union européenne mise de surcroît sur le pouvoir en place pour régler le problème des migrants qui quittent les côtes libyennes, souvent sur des embarcations surchargées et peu sûres, pour tenter de rejoindre l'Europe. Mais les divisions entre les deux pouvoirs rivaux, en Tripolitaine (Ouest) et en Cyrénaïque (Est), ont resurgi ces dernières semaines. Une trêve officielle est en vigueur depuis octobre, mais l'envoyé des Nations unies pour la Libye, Jan Kubis, a lui-même reconnu en mai que les progrès concernant l'unification des institutions divisées et le retrait des forces étrangères étaient au «point mort». Ce paramètre est central dans ce processus, le conflit libyen ayant été largement alimenté par des puissances extérieures. «Ceux qui avaient donné l'engagement la dernière fois à Berlin de retirer leurs troupes ne l'ont pas respecté», déplore Heiko Maas. Une référence implicite à la Russie, la Turquie ou les Emirats arabes unis. En décembre, l'ONU estimait à quelque 20.000 le nombre de mercenaires et combattants étrangers en Libye: des Russes du groupe privé Wagner, des Tchadiens, des Soudanais ou encore des Syriens. Plusieurs centaines de militaires turcs sont eux aussi présents en vertu d'un accord bilatéral conclu avec le précédent gouvernement de Tripoli. «Le nombre de combattants n'a pas diminué de manière significative, mais nous avons un cessez-le-feu qui est généralement accepté et respecté partout», souligne-t-on de source diplomatique. Fin avril, la Ligue des Etats arabes, l'ONU, l'Union européenne et l'Union africaine avaient réclamé ensemble un retrait des forces étrangères. Une dispersion brutale de ces hommes surarmés représenterait toutefois une nouvelle menace pour la région, craignent des diplomates de l'ONU. Le président tchadien Idriss Déby Itno a ainsi trouvé la mort en avril lors d'une offensive de rebelles tchadiens venus de Libye.