Il touche à tous les genres. Après avoir publié des recueils de poésie et un essai exceptionnel sur Matoub Lounès, Yacine Hebbache, qui vit et travaille dans la wilaya de Béjaïa, vient de publier aux éditions «Tafat» son premier roman intitulé: «Les âmes invaincues». Yacine Hebbache annonce d'emblée qu'écrire est l'opposé de mourir. Dans «Les âmes invaincues» de Yacine Hebbache, s'enchevêtrent deux trames. Plutôt deux drames. Ces derniers s'alternent en se déroulant au fil de l'histoire. L'histoire se déroule dans la ville millénaire de Bougie. Elle s'ouvre sur une rencontre idyllique du couple Selyan/Cyria dans une chambre d'hôtel à Bougie. Ici ils se racontent leur vie. Le lecteur est d'abord entrainé dans une passionnante histoire aux allures autobiographiques. Une autobiographie de Selyan, le personnage-narrateur qui ne raconte pas seulement la saga familiale liée à l'histoire de la terre des ancêtres, mais qui relate aussi le second récit. Dans ce roman, il est aussi question de l'histoire de la misérable Cyria, sa dulcinée. Un but: devenir écrivain Il y a d'un côté Adonis-Juba l'écrivain et l'auteur du livre, et Selyan le merveilleux personnage, le pâle héros du roman. Selyan est un poète rêveur. Un amoureux des lettres. Orphelin dès le bas âge, il lit les livres que son défunt père avait laissés et il se fixa un but: devenir écrivain. «Les Muses qui m'ont accordé quelques faveurs m'ont destiné aux lettres», écrit-il. Amant tendre et clairvoyant de Cyria, il accompagne, assiste et soulage la pauvre jeune femme après toutes les catastrophes qu'elle avait endurées. Mieux encore: en lui transmettant le virus littéraire, il la sauve du suicide. «Il s'agit d'une jeune femme brisée, femme charmante, pleine de coeur, accablée de souffrance, recroquevillée dans son silence assassin, mais jamais acculée au désespoir», nous confie Yacine Hebbache. Dans ce livre déroutant, narrant des destins tourmentés, il est question de viol, d'extrémisme, de terrorisme, de vengeance et d'amour. Le roman s'attaque en outre à des sujets d'une brûlante actualité, qui est celle de l'émigration clandestine. «Ingénieur toujours sans travail, la douleur dans le coeur, Ferhat Tignewt tenta de s'embarquer pour l'étranger en quête d'une terre de dignité et de liberté qui offre son asile à ceux qui fuient l'humiliation et la tyrannie de leur terre natale. Après avoir traîné ses guêtres partout, n'ayant pas pu avoir son visa, il opta pour l'émigration clandestine. Les années de discorde, le chômage, le désastre de ses noces ont écrasé en lui toute espérance de vivre dans son pays qui ne lui offre que drame, honte et malheur. Une infinité de thèmes inspirés du vécu Embarqué de l'ouest du pays, il mourut sur les rives inhospitalières et désolées d'Espagne, englouti par l'obscurité et la rage des flots», écrit l'écrivain Yacine Hebbache. Quant au personnage de Cyria qui occupe une place prépondérante dans le roman, elle est habitée par des pensées noires que le narrateur n'arrivait pas à dissiper L'idée de suicide a taraudé l'esprit de Cyria pendant longtemps. Le suicide de sa mère Djohar n Aït-Nif sur le lieu de son viol, à l'intérieur de «la maison des chrétiens», la mort de son mari Ferhat Tignewt, naufragé sur les côtes espagnoles, puis le suicide de la mère de ce dernier en ingérant un raticide, ajoutés aux lésions de sa défloration lui ont fait perdre tout espoir dans cette vie. «Il me semblait que l'idée d'attenter à ses jours pouvait à tout moment lui venir à l'esprit. C'était la raison pour laquelle je me résolus d'être prudent avec elle, de me montrer toujours optimiste et de faire tout pour infuser l'espoir dans son coeur», dit Selyan à son ami Massyl. Adonis-Juba tient sa promesse: sous le pseudonyme Adonis-Juba, il signe son roman «Vita Nova» où son amante peut lire leur histoire commune. «Les âmes invaincues» de Yacine Hebbache est un roman captivant et très dense. L'auteur réussit à condenser une infinité de thèmes inspirés d'événements vécus dans notre pays, notamment durant la décennie noire. Yacine Hebbache a accompagné l'édition de ce premier roman par la réédition de «L'encre sacrée», un recueil de poésie initialement sorti en 2009. Quant à la couverture du roman, qui est une oeuvre d'art, il s'agit d'une toile de l'artiste peintre Chafa Ouzzani, intitulée «Folie du génocide». Elle illustre et reflète parfaitement la tragédie racontée dans le roman.