Khaled Bounedjma, président de la Coordination des enfants de chouhada (Cnec), estime que «l'Etat doit rendre la dignité aux enfants de Chouhada». Désormais, on se doit de prendre en charge leurs revendications qui sont légitimes, explique-t-il, «sinon nous allons recourir à la rue, car la rue ne nous fait pas peur... ni le bâton d'ailleurs». Et pour cause, «la loi du Moudjahid et du Chahid votée en 1999 par les deux chambres du Parlement n'est pas appliquée». Un seul décret exécutif, relatif à la retraite, a été appliqué «comme pour remercier les enfants de révolutionnaires morts au champ d'honneur dont la présence n'est pas souhaitée dans les institutions de l'Etat», alors que les quatre autres décrets «sont au niveau du cabinet du chef de l'Exécutif». Sur un ton plus menaçant, Bounedjma avertit: «Ils ont jusqu'au 5 juillet pour se décider. Dès lors, nous utiliserons tous les moyens pour nous faire entendre.» Mais il tient à préciser qu'il n'en veut pas spécialement à Ouyahia mais au gouvernement qui prend en charge l'application des lois. «Nous voulons seulement nos droits. Nous n'attendons pas que Ould Abbès nous donne l'aumône.» L'allusion est faite bien sûr aux indemnités des familles touchées par la tragédie nationale. Pourtant quand on l'interroge sur le contexte qui se caractérise par l'ordonnance portant application de la Charte pour la paix et la réconciliation, s'il n'a pas en tête l'idée de faire diversion, il s'en défend: «Non, il y avait des priorités, nous avons attendu que le président règle les problèmes urgents et rétablisse la paix. Maintenant, nous avons le loisir de revendiquer nos droits». Il est évident que Bounedjma -tout comme les autres oubliés de la réconciliation- croit que le moment est propice pour demander l'application votée mais gelée depuis voilà sept ans. Il cite l'article 25 relatif aux veuves de chahid dont les indemnités vont à leurs fils sans travail ou à leurs filles célibataires ou divorcées, après leur décès. Il demande l'application de cette clause parce que «les familles des martyrs sont dans la rue, sans travail, sans logement, elles n'ont pas de quoi vivre ; il faut avoir au moins la décence de leur rendre leur dignité ou d'annuler la loi de la République qu'on n'a pas le pouvoir d'appliquer». Le président de la Cnec met un bémol. «Tant qu'il y a Hassi Messaoud, ils paient les enfants de chouhada. Quand la vanne aura été fermée, nous cesserons de revendiquer les indemnités». Mieux, «nous sommes contre la privatisation des entreprises ; les chouhada sont morts pour libérer ces entreprises ; comment se fait-il que des gens aient aujourd'hui le courage de les vendre?», s'interroge-t-il. Qui connaît Khaled Bounedjma doit imaginer sa gestuelle quand il parle de réconciliation et de Bouteflika. On dirait qu'il est sur le point de lâcher une larme à chaque phrase mais se retient. Il met tant de verve dans le discours, tant de hargne, tant de chaleur dans le propos qu'on est tenté de le croire. Toutefois, il jure sur la tête de ce qui lui est cher que la Cnec ne perçoit aucun budget de l'Etat. Elle loue le local de ses propres cotisations.