Des partants, quelques revenants et des ministres maintenus à leurs postes. Ainsi résumé, le gouvernement de Aïmene Benabderrahmane ressemble à n'importe quel autre Exécutif, appelé à travailler dans la continuité de son prédécesseur. Certains espéraient voir une équipe resserrée avec des départements regroupant plusieurs secteurs d'activité. Mais le président de la République a opté pour un Exécutif presque aussi élargi que celui drivé par Abdelaziz Djerad. Le gouvernement de Benabderrahmane, aux deux tiers remanié et qui regroupe 33 membres, contient moins de ministres délégués, deux seulement. S'il y a resserrement, c'est sans doute dans la suppression des «innovations» contenues dans le précédent Exécutif. Pas de ministres délégués, chargé de l'Industrie cinématographique, ni des Athlètes d'élite. Le gouvernement Benabderrahmane paraît donc on ne peut plus classique. Sauf que la conjoncture sociopolitique, les fortes attentes citoyennes et l'obligation de réussir la relance économique mettent le nouvel Exécutif dans une situation d'exception où les défis sont multiples et portent tous le sceau de l'urgence. La première urgence est la résurgence de la pandémie. La hausse des contaminations, ces derniers jours, met la santé sous tension et le secteur, qui a quelque peu quitté le devant de la scène, y revient avec la pression que cela suppose. Il y a urgence donc. La pandémie qui, à coups de confinements stricts, a hypothéqué le redéploiement économique en 2020, ne doit pas récidiver en 2021 et casser la relance. Une autre mission capitale du gouvernement. Et ce sera le même Aïmene Benabderrahmane qui affrontait la première vague de Covid-19 en tant que ministre des Finances, qui y fera face avec cette fois une double casquette. En cumulant le Premier ministère et celui des Finances, Benabderrahmane garde ainsi la main sur les finances du pays. Une première dans les annales de la gouvernance du pays, mais qui illustre une volonté de cohérence dans la conduite des affaires publiques. Le président de la République désigne ainsi la grande urgence du moment. Elle sera prioritairement économique. Avec le gouvernement drivé par Aïmene Benabderrahmane, il n'existera, pour ainsi dire, pas de frontière entre la volonté politique et l'action sur le terrain. Les instructions en rapport avec les finances du pays émaneront du Premier ministère. Le chef de l'Etat semble avoir pris la décision de ne pas multiplier les interlocuteurs sur ce sujet précisément. Y a-t-il là une volonté de briser le mur de la bureaucratie financière? En tout cas, la double casquette de Benabderrahmane est en soi un message. Le Premier ministre, qui a déjà annoncé la couleur sur ses intentions en matière de soutien au logement et aux catégories sociales les plus faibles, ne chamboulera visiblement pas la structure des subventions. Il a, rappelons-le, confectionné des lois de finances, en maintenant les transferts sociaux à leur niveau. L'homme n'est visiblement pas un libéral et la relance annoncée prendra en compte les aspects sociaux. Mais l'urgence n'est pas seulement d'ordre interne. Les foyers de tension sont multiples aux frontières du pays. Le retour de Ramtane Lamamra, architecte des accords d'Alger sur le dossier malien, renvoie au nécessaire renforcement de la voix de l'Algérie sur le continent et au-delà. La question libyenne, la place de l'Algérie au sein de l'Union africaine, les agressions à peine voilées du Maroc, constituent autant de dossiers lourds que la diplomatie algérienne se doit de maîtriser. La longue expérience et l'expertise reconnue de tous, de Lamamra, sera d'un apport certain sur l'ensemble des dossiers internationaux qu'aura à gérer l'Exécutif. Le chef de l'Etat disposera dans la personne du ministre des Affaires étrangères d'une véritable force de frappe diplomatique. Quant à la dimension politique du gouvernement, où seront représentées quatre formations politiques en plus des indépendants, elle devra s'exprimer au sein de l'hémicycle du palais Zighoud Youcef, mais également sur le terrain. À la différence du gouvernement de Djerad, celui de Benabderrahmane a l'obligation de rendre compte à une majorité présidentielle, dont la principale mission est d'en contrôler les actions.