Tirant les leçons des années 70 et 80, l'Etat a opté pour une démarche totalement différente. Au lendemain de l'indépendance, la trésorerie de l'Algérie était, pour ainsi dire, inexistante. L'argent du pétrole échappait au contrôle de l'Etat. Celui-ci finançait l'essentiel de ses activités par le biais des recettes fiscales, assez réduites du reste, qu'il prenait des compagnies pétrolières exerçant au sud du pays. L'agriculture, autre secteur à l'époque en plein essor, fait engranger au Trésor public des bénéfices grâce, notamment, à l'exportation des produits de la terre, notamment la vigne, très cotée en France. Cependant, les besoins d'une population, en plein baby-boom, étaient sans cesse croissants. La politique socialisante aidant, les pouvoirs publics ont été amenés à chercher des financements ailleurs pour assurer la bonne marche des programmes gouvernementaux très ambitieux en matière de démocratisation de l'enseignement et du système sanitaire, la lutte contre la pauvreté, la réforme agraire, etc. Jusqu'en 1971, l'Algérie, malgré ses potentialités, était un pays financièrement pauvre. La nationalisation des hydrocarbures, suivie deux ans après par le premier choc pétrolier, l'ont propulsée au rang des pays riches. De fait, les programmes de développement ont été revus à la hausse et les besoins de financement ont suivi la courbe des ambitions d'une nation, donnée en exemple pour tout le tiers-monde, notamment pour sa politique d'industrie industrialisante qui s'est révélée budgétivore. Pour réaliser son programme, l'Etat a eu recours à des emprunts en milliards de dollars. C'est ainsi que la dette extérieure de l'Algérie a été évaluée à 13 milliards de dollars. Un chiffre rendu public par l'ancien président de la République Chadli Bendjedid, lorsqu'il a été critiqué pour la gestion de la dette publique. Mais c'est sous Chadli justement que le recours à l'endettement a été massif. C'est encouragé par le second choc pétrolier du début des années 80 qui a fait grimper les prix de l'or noir à plus de 40 dollars que l'Etat s'est engagé dans une frénésie d'emprunts à court terme, pensant que les recettes générées par la vente des hydrocarbures étaient à même de couvrir largement les intérêts de la dette contractée. Seulement, les calculs des décideurs algériens se sont révélés pour le moins inexacts, puisqu'en 1986, les prix du brut font une chute libre sur les marchés internationaux et l'Algérie s'est retrouvée avec la somme rondelette de 26 milliards de dollars à régler, avec en sus des intérêts de plus en plus importants et des délais de paiement très rapprochés du fait des emprunts à court terme. Une asphyxie financière qui a d'ailleurs coïncidé avec l'ouverture politique, mettant la problématique de l'endettement sur la place publique, charriant avec elle une polémique sur l'utilisation de tout cet argent. L'ancien Premier ministre, Brahim Brahimi, jette un pavé dans la mare en évoquant la corruption qui, selon lui, a coûté au pays quelque...26 milliards de dollars. Il faut dire que la corrélation entre le montant de la dette et l'argent détourné a fait couler beaucoup d'encre. Mais cela n'a rien réglé, puisque quelques années plus tard, la dette algérienne a passé le seuil psychologique des 30 milliards de dollars, dans une conjoncture politique et financière des plus préjudiciables pour le pays. Le chaos sécuritaire des années 90 et la paralysie politique de la quasi-totalité des institutions de l'Etat, ont donné de l'Algérie l'image d'un pays pestiféré avec qui aucun Etat ni organisme financier ne voulait traiter. Dès le début des années 90, la société découvre des concepts économiques nouveaux pour elle, reprofilage de la dette, gage des réserves d'or auprès d'institutions internationales habilitées, rééchelonnement de la dette...autant d'expressions qui étaient, d'une manière ou d'une autre, synonymes de catastrophe sociale pour les Algériens. Engluée dans un climat sécuritaire plus que tendu, il était très difficile pour l'Algérie, à l'époque en tout cas, d'envisager un quelconque plan de sauvetage économique. Le pays glissait inexorablement vers la cessation de paiement. Et ce n'est pas une petite flambée conjoncturelle des prix du pétrole qui pouvait sauver les meubles. En 1994, alors que la dette dépassait les 33 milliards de dollars, avec des rentrées financières ridicules, le chef du gouvernement Rédha Malek signe avec le FMI le rééchelonnement de la dette publique. La même opération est effectuée une année plus tard. Un accord qui fait plonger l'Algérie dans l'ère du plan d'ajustement structurel qui s'est traduit par une baisse brutale de la valeur du dinar, conduisant à une paupérisation généralisée de toute la société avec une progression hallucinante du taux de chômage. 12 ans après ce choc financier sans précédent, l'Algérie sort la tête de l'eau et est en mesure, grâce à la hausse historique du prix du brut, de régler, rubis sur l'ongle, toutes ses dettes. Tirant les leçons des années 70 et 80, l'Etat a opté pour une démarche totalement différente. Qui paie ses dettes s'enrichit.